Exercice

Auteur : Pierre Pech, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonnne.

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Les déchets toxiques d’un navire poubelle en Côte d’Ivoire ou les doubles effets de la mondialisation dans la gestion d’une crise : juillet-décembre 2006



Une série d'articles parus dans la presse relatent l'événement :

Article du quotidien ivoirien « fraternité matin »- 28 août 2006
« Scandale ! Dans la nuit du 19 au 20 août 2006, 13 camions citernes ont déversé à la décharge d'Akouédo, dans la station des eaux usées au Plateau Dokui, et dans les différentes canalisations de la zone du canal de Vridi, 528 m3 de produits hautement toxiques, à forte teneur en hydrogène sulfuré. Dans  toute la ville d'Abidjan, l'air est fortement imprégné de ce produit volatile très irritant, provoquant nausée, vomissements et douleurs à la poitrine. Les centres hospitaliers de Treichville et de Cocody reçoivent depuis hier matin des citoyens qui se plaignent de malaises. D’après les premières informations, un navire battant pavillon panaméen et dénommé « Probo Koala » dont le consignataire, la société WAIBS, a choisi la compagnie Tommy spécialisée dans la vidange, l'entretien et le soutage des navires au Port autonome d'Abidjan (PAA),  aurait transporté ce déchet toxique. Comment un chargement hautement dangereux a pu arriver et accoster au Port d'Abidjan ? Après avoir été refoulé dans cinq pays, dont le dernier serait le Nigeria, comment ce navire en partance pour l'Estonie, a pu décharger sa cargaison et la sortir du port sans que les douanes ou les affaires maritimes n'aient vérifié le contenu du navire ou des camions ? »

Article du Figaro, 6 septembre
« Suite au déversement de déchets toxiques, le gouvernement ivoirien a fait appel à une aide internationale pour analyser cette substance et mettre en place un programme de décontamination des zones polluées. Trois personnes associées à l'entreprise responsable du déchargement du navire ont été arrêtées. Prime Marine Management INC, la compagnie grecque propriétaire du navire, a confirmé que le bateau avait bien « vidangé » des déchets toxiques mais que cette opération était « légale » et les déchets confiés à une société ivoirienne. Mercredi soir, la France a annoncé qu'elle apporterait une aide d'urgence pour lutter contre cette pollution environnementale et sanitaire, qu'elle a qualifiée de «catastrophe majeure». Une mission d'évaluation des risques de pollution sera « immédiatement » dépêchée à Abidjan. »

Dépêche AFP, 9 septembre
« Plus de 5.000 personnes ont été intoxiquées et trois tuées par les émanations de produits chimiques déchargés d'un navire étranger et déversés fin août dans des décharges publiques d'Abidjan, a indiqué samedi le ministère ivoirien de la Santé. Les victimes se plaignent en général de vomissements, éruptions cutanées, malaises, diarrhées et maux de têtes. Les autorités ivoiriennes ont annoncé vendredi la mise en place d'un « plan d'urgence » pour neutraliser la solution toxique, déversée dans une dizaine de décharges de la ville dans la nuit du 19 au 20 août. Selon l'association écologique Greenpeace, des boues issues du raffinage pétrolier, riches en matière organique et en éléments souffrés très toxiques (hydrogène sulfuré, H2S et mercaptans) ont été déversées à Abidjan. Une équipe de six experts français spécialistes du traitement des déchets toxiques est arrivée vendredi à Abidjan pour aider les autorités à évaluer les dégâts et à faire face à cette pollution. Composée notamment d'un chimiste, d'un ingénieur et d'un pharmacien cette équipe sera chargée de recenser tous les sites où ces déchets ont été déversés, de les sécuriser, puis de les analyser afin d'évaluer les conséquences environnementales et sanitaires de la pollution et enfin de trouver un lieu de stockage unique pour regrouper ces déchets et les traiter. »

RFI International, 12 septembre
« Les analyses se poursuivent, mais les déchets ne sont toujours pas enlevés. Pour le ministre du plan,  une réponse immédiate à apporter au problème serait le stockage dans des containers, pour éventuellement un jour retourner ces déchets « à l’envoyeur ». Pour cela, il s’appuie sur la convention de Bâle qui sanctionne les expéditeurs en les obligeant à rependre « leurs déchets illégalement déversés dans un autre pays » et à supporter le coût de l’indemnisation et de la dépollution. En plus de la dizaine d’experts français dépêchés en Côte d’Ivoire de nombreuses organisations internationales envoient aussi leurs spécialistes pour aider les autorités ivoiriennes. Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a envoyé 3 experts qui seront chargés de la coordination technique et de la gestion de l’information relative aux déchets toxiques. L’Union européenne et la Suisse ont aussi envoyé à Abidjan leurs experts. L’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) a dépêché sur place un spécialiste en déchets toxiques qui travaillera sur la  « décontamination ». Il devra également rédiger un rapport à soumettre aux instances internationales spécialisées qui, à leur tour, étudieront la possibilité de débloquer en urgence des fonds pour le nettoyage des sites. »

Le Monde, 26 septembre
« L'organisation écologiste Greenpeace a déposé une plainte aux Pays-Bas dans l'espoir d'immobiliser le navire. « Nous avons demandé au parquet néerlandais de maintenir à quai le Probo Koala » a indiqué Eco Matser, porte-parole de Greenpeace Pays-Bas. La plainte vise l'affréteur du navire, Trafigura Beheer, dont le siège social se trouve aux Pays-Bas, ainsi qu'Amsterdam Port Service (APS), une entreprise portuaire néerlandaise »

Le Monde 30 septembre
« Le navire par qui le scandale est arrivé est un vraquier polyvalent transportant liquides et solides. Battant pavillon panaméen et loué à la compagnie grecque Prime Marine Management, voilà plusieurs mois qu'il sillonne les océans aux mains d'un équipage russe. Armé par Trafigura, grosse société de négoce en matières premières dont l'adresse fiscale est à Amsterdam, le siège social à Lucerne (Suisse) et le centre opérationnel à Londres, ce type de navire de 180 mètres de long est qualifié par l'association écologiste Robin des bois de "cauchemar environnemental". Après chaque déchargement, les cuves sont en principe lavées, notamment à l'aide de soude caustique, provoquant ainsi des déchets récupérés dans une citerne située au sein du bateau. Mais la diversité des produits transportés accroît les risques de réactions chimiques indésirables. Lorsqu'il accoste, le 2 juillet, au quai d'Afrique du port d'Amsterdam, le Probo-Koala vient d'effectuer une traversée transatlantique. Il a déchargé une cargaison d'hydrocarbures à Algesiras, en Espagne. Après son escale néerlandaise, il va en Estonie charger de l'essence destinée in fine au Nigeria. La citerne à déchets étant pleine, explique Trafigura, la compagnie cherche à s'en défaire auprès de la société spécialisée Amsterdam Port Services (APS). Ce 2 juillet, la totalité des déchets, soit plus de 500 m3 de résidus d'hydrocarbures et divers composants chimiques, est déchargée sur une barge couplée au Probo-Koala, lorsqu'une puanteur inhabituelle se répand. La police des services d'environnement de la ville et les autorités portuaires interviennent. Un différend oppose alors les deux entreprises. « APS, chargée de la récupération du produit nous a demandé, de façon injustifiée, de payer un prix prohibitif de 1 000 euros le m3", assure Eric de Turckheim, directeur financier de Trafigura. APS dément et explique que "ces déchets n'étaient pas ceux annoncés avant l'arrivée du navire. Leur odeur révélait une pollution avancée. Nous leur avons dit qu'on pouvait les faire traiter, mais que cela coûtait plus cher ». Les discussions durent deux jours. Trafigura dit avoir reçu une autre proposition - à 750 euros le m3 - d'APS. Toujours trop cher. A Londres, Paul Duncan, directeur de la logistique de Trafigura, décide de recharger les déchets sur le Probo-Koala. De mémoire d'APS, c'est une première. Trafigura se justifie par les coûts : une journée d'immobilisation supplémentaire au port, c'est 35 000 $ ; une journée de location du navire coûte 250 000 $. La conséquence est claire : il faut décharger les déchets ailleurs. APS et les services d'environnement du port d'Amsterdam laissent repartir le chargement suspect, mais en gardent 16 tonnes aux fins d'analyses et de garantie. La justice néerlandaise est aujourd'hui saisie des conditions dans lesquelles les autorités portuaires ont laissé partir ces déchets. Les logisticiens de Trafigura décident alors d'envoyer le Probo-Koala en Côte d'Ivoire.  « C'est l'un des ports d'Afrique occidentale les mieux équipés », plaide le trader. Le site Internet du port autonome de la capitale ivoirienne ne mentionne cependant nullement cette donnée. Le 9 août, dix jours avant l'arrivée du navire en Côte d'Ivoire, une entreprise,  « spécialisée dans la vidange et l'entretien des soutes de navire », décroche une autorisation du port pour  « récupérer les huiles usagées et les résidus d'hydrocarbures afin d'éviter (...) le déversement accidentel ». La Compagnie Tommy, c'est son nom, vient d'être créée et n'a jamais obtenu de contrat de ce type. Son directeur, S. Ugborugbo, actuellement incarcéré, est de nationalité nigériane. Tommy n'a ni les moyens ni les compétences pour faire le travail. Elle n'a obtenu du ministre des transports ivoirien qu'un agrément d' « avitailleur » (approvisionnement des navires), et seulement depuis le 12 juillet. Le 17 août, deux jours avant l'arrivée du Probo-Koala, le trader londonien adresse un courriel à son correspondant à Abidjan pour l'avertir de la toxicité de certains composants de sa cargaison. Pourtant, la société Trafigura a fourni, le 24 septembre, des analyses commandées par ses soins selon lesquelles « aucune trace » d'hydrogène sulfuré n'apparaît. « C'est de l'eau sale », avait-on dit aux chauffeurs des citernes qui déverseront le produit dans Abidjan. S'ouvre alors le versant ivoirien de l'épopée, où pointent les soupçons de corruption. La tornade politique consécutive au scandale environnemental ne débute que près d'une semaine après le déchargement du navire. Pendant six jours, la population ignore d'où proviennent les symptômes dont elle souffre. Au pire moment de l'exposition aux gaz, aucune précaution n'est prise. Furieuse, la population manifeste, réclame des têtes. Le 15 septembre, le ministre des transports (opposition) est lynché en pleine rue.  Malgré une demande d'immobilisation au port par les autorités ivoiriennes datée du 21 août, le Probo-Koala a pu quitter sans encombre le port d'Abidjan le 22. Il est bloqué depuis le 25 septembre par Greenpeace et les autorités locales à Paldiski, en Estonie. »

AFP, 30 septembre
« La France a acheminé, le 22 septembre, 25 cantines de médicaments (15 cantines de base, 5 cantines pédiatriques et 5 cantines d’urgence), spécialement préparées pour aider les victimes de la pollution d’Abidjan et mises à la disposition du ministère des Affaires étrangères par l’ONG spécialisée Tulipe (Transfert d’Urgence de l’Industrie Pharmaceutique). TULIPE association loi 1901 créée en 1982 par le Leem (les entreprises du médicament) a pour finalité d'apporter la réponse des Entreprises du Médicament aux demandes de produits pharmaceutiques générées par les situations d'urgence. TULIPE est une structure mixte dont les charges de fonctionnement (les salaires et charges sociales, les frais d'affranchissement et de téléphone, l'hébergement dans ses locaux, les fournitures de bureaux et la mise à disposition de toute la documentation) sont assurées par le Leem et les activités pharmaceutiques par les cotisations de soutien des industriels adhérents à TULIPE. L’ensemble de cette contribution permet d’assurer 20.000 consultations, soit une dotation de près d’un mois pour chacun des 36 centres, à raison de 30 consultations par jour. »

Rapport « United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs » (OCHA) :
« Situation au 30 Sep 2006 : Selon le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique la situation sanitaire en date du vendredi 29 septembre est la suivante : 8 décès, 69 hospitalisations, et 99 000 consultations. La cellule opérationnelle de coordination du plan national de lutte contre les déchets toxiques a annoncé le 27 septembre 2006 que l’opération de dépollution est achevée. Les fruits et légumes plantés ont été détruits par le ministère de l’Agriculture. L’Etat de Côte d’Ivoire a porté plainte et s’est constitué partie civile contre les auteurs de ce désastre, y compris la compagnie Trafigura, affréteur du navire Probo Koala. L’Etat entend réclamer dommages, intérêts et réparation du préjudice subi. Au niveau international, le lundi 25 septembre 2006, le gouvernement israélien a remis au gouvernement ivorien, des fournitures médicales et des médicaments pour une valeur de 25 millions de F CFA. Le commissaire européen à l’Environnement est arrivé jeudi en Estonie pour soutenir l’enquête sur le Probo Koala. Il a condamné le déchargement illégal des déchets toxiques dans 18 sites dans la capitale économique et s’est engagé à renforcer la législation sur le transport de substances dangereuses. Un nouvel appui technique, matériel et financier a été apporté par l’OMS au Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique avec le recrutement de vingt (20) opérateurs pour la saisie et l’analyse des données recueillies sur les personnes ayant consulté. »

Le Monde, 4 janvier 2007
« 9300 tonnes de déchets récoltés en Côte d’Ivoire sont arrivés au Havre le 26 décembre et vont être incinérés en Isère, dans une usine qui traite fréquemment ce type de déchets ».



A partir des extraits d'articles de presse, reconstituez le cheminement et les éléments de cette crise en répondant aux questions suivantes :

Question 1)  

Répertorier quels sont les éléments de la crise, en quoi se manifeste-t-elle ?

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Question 2)  

Quel est le déroulé de la crise ?

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Question 3)  

Quels sont les lieux concernés ?

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Question 4)  

Quels sont les acteurs (y compris les victimes) concernés par la crise (faire un organigramme et un tableau avec les enjeux et les actions) ?

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Question 5)  

Quelle est la dimension mondialisée de la filière des déchets ?

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Question 6)  

Quels sont les acteurs et les outils institutionnels intervenant dans le règlement de la crise ?

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Définition

Organisation non gouvernementale : organisation d’intérêt public qui ne relève ni de l’Etat, ni d’une institution internationale.

Définition

Organisation Mondiale de la Santé (http://www.who.int/fr/)