Recensement des « grands vents »
Le Groupe d’Histoire des Forêts Françaises (GHFF) a entrepris de recenser tous « les grands vents » depuis la fin du XVIe siècle ayant affecté la France « intérieure », beaucoup moins documentée que les littoraux.
Comme il n’existe pas de mesures de vent sur cinq siècles couvrant tout le territoire, deux marqueurs, à savoir les dégâts occasionnés aux forêts et au patrimoine bâti, ont servi à établir cette chronologie. Les dommages dus au vent sont consignés depuis plusieurs siècles dans les archives. La chronologie générale, ainsi constituée, comporte plusieurs centaines d’épisodes de vents violents ayant affecté l’actuel territoire national et les pays limitrophes (Belgique, Allemagne, Suisse), compte tenu des vicissitudes de l’Histoire.
Les pays voisins ont ouvert leurs archives car les frontières de la France actuelle sont récentes au regard des cinq siècles de la chronologie.
Les limites de la France de la Révolution
La « France » au XVe siècle
Cette série de données a permis de définir les vulnérabilités différentielles du territoire métropolitain et les périodes de tempétuosité les plus élevées.
La délicate et tardive mesure de vitesse du vent
Les premiers instruments de mesure « scientifique » de la vitesse du vent apparaissent à la fin du XVIIIe siècle.
Les anémomètres enregistrent soit la déclivité d’une plaque entre le repos et le moment où le vent souffle soit le nombre de tours effectués par une hélice autour d’un axe.
Les deux types d’anémomètres co-existent encore. Mais, aucun n’est parfait.
Les appareils capables de mesurer des vitesses élevées sont le plus souvent peu précis en dessous de 1 m/s. L’appareil répond avec retard aux fluctuations du vent surtout s’il est turbulent et en cas tempête, les vitesses sont surestimées. Il y aurait de toute façon une erreur de 5 à 13 % sur la mesure de vitesse du vent.
Puisqu’il était difficile de mesurer la vitesse du vent, elle a pendant longtemps été estimée selon ses effets sur la surface de l’océan, puis ses conséquences à terre sur les bâtiments et les arbres.
Depuis 1806, l’échelle de l’amiral Beaufort décrit les effets du vent sur la stabilité d’un voilier et sur la mer. La vitesse est donnée à « l’estime » jusqu’au début du XXe siècle.
C’est seulement en 1946 qu’une fourchette de vitesse en nœuds, m/s ou km/h est attribué à chaque degré Beaufort par les services météorologiques internationaux.
Rappel
L'échelle de l'amiral Beaufort, traduite « à terre »
Définition
La vitesse est une distance parcourue par unité de temps. Le vocabulaire distingue donc : vent instantané, vent maxi instantané ou rafale, vent moyenné sur 6 ou sur 10 minutes, vent moyen maxi, vent horaire, vent trihoraire, etc.
En apparence, il ne s’agit que de simples multiplications… mais l’anémomètre ne se stabilise pas à une vitesse donnée, même au bout d’un certain temps.
L’indication de pointes de vent est donc peu significative. Il vaut mieux lui préférer une moyenne sur six ou dix minutes. Plus la durée considérée est longue, plus la vitesse moyenne diminue.
Un coefficient de correction de 1,2 à 1,5 permet de passer d’une moyenne sur 10 minutes à un vent instantané mais il est certain qu’un tel coefficient ne s’applique pas de la même manière aux dégâts.
Explication
C’est donc à partir des effets du vent sur les arbres et les bâtiments (exactement comme dans l’échelle Beaufort à terre) que les « coups de vent » ont pu être identifiés dans les archives. L’importance des dégâts permet de hiérarchiser les événements venteux. En complément, la définition de l’origine du vent peut être donnée par sa direction, le plus souvent identifiée sur une rose à huit directions (nord, nord-est, est, sud-est, sud, sud-ouest, ouest, nord-ouest).
Les sources d’information :
Les données sont hétérogènes, variables selon les sources d’information. Tout cela pèse sur les résultats de la spatialisation.
La terminologie météorologique concernant les « tempêtes » n’est définitivement clarifiée qu’à partir de 1966 dans la nomenclature de l’Office météorologique mondial. Le terme de tempête se réfère à des vents dont la vitesse est comprise entre 44 et 50 nœuds (force 10 Beaufort) et celui de violente tempête à des vitesses comprises entre 51 et 57 nœuds (12 Beaufort).
Antérieurement, les mots pour le dire étaient changeants, peu précis et variables d’une région à une autre. Le travail dans les archives a donc été complexe compte tenu du vocabulaire. De plus, les coups de vent sont identifiés pour une part à cause des dégâts aux forêts. Or, la superficie forestière n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui si bien que l’évolution observée dans chaque région ne peut s’interpréter qu’à la lueur des reboisements effectués.
Dans les Landes de Gascogne comme en Champagne, les premiers dégâts importants n’apparaissent ainsi qu’à partir de la fin du XIXe siècle, suite aux reboisements massifs entrepris sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire. Comme le couvert forestier est hétérogène d’une région à l’autre, la vulnérabilité au vent l’est également. La plupart des données sont conservées dans les réseaux des archives départementales mais en qualité et quantité inégales. Le Massif central, le Languedoc et la Provence figurent parmi « les parents pauvres » de cette quête d’informations.
Par ailleurs, la qualité des données est plus précoce, précise, continue et fiable dans les grandes forêts royales du bassin parisien. La soumission à une administration centrale entraîne une gestion très rigoureuse inconnue des forêts ecclésiastiques et des bois communaux.
Enfin, la chronologie reste lacunaire jusqu’au milieu du XVIe siècle. A partir de cette période, le croisement des sources permet de bâtir une série plus fiable, notamment pour la France du Nord. L’apport de documents aux statuts variés, le recoupement des sources comptables et narratives permet d’éviter l’illusion, bien connue, d’une recrudescence des phénomènes observés à mesure que l’on se rapproche du présent.
Méthode
Les sources, et surtout les écrits « après coup », induisent nécessairement des déformations de la réalité historique : sélection des événements, mise en relation, excès dans l’interprétation. D’une manière plus générale, l’auteur peut avoir tendance à négliger les phénomènes climatiques mineurs pour ne conserver que les événements les plus marquants.
Hormis quelques exceptions, une extrême attention est portée aux phénomènes météorologiques, signe sans doute d’une population encore profondément ancrée dans la ruralité, et d’une économie sensible aux aléas naturels.
Les dates ont été recoupées entre sources différentes pour permettre de compléter et combler les lacunes (des archives forestières par exemple) en précisant la localisation géographique et l’importance des dégâts aux bâtiments.
La plupart des indications de destructions sont d’échelle communale, ce qui permet de repérer les localités les plus touchées. Cependant, un nombre important d’événements affectant des surfaces plus vastes est présent dans la chronologie, c’est pour cela que dans ce travail de « débroussaillage », l’échelle départementale a été privilégiée.