Risques liés aux réseaux, vulnérabilités associées
La vulnérabilité aval est particulièrement forte dans le cas des réseaux. Les dépendances croissantes des populations vis-à-vis des réseaux d’énergie, de communication et de transport accroissent en parallèle leur vulnérabilité aux risques de coupure de ces mêmes réseaux.
Exemple
Les réseaux de téléphone et d’électricité sont facilement endommagés, mais aussi rapidement réparés : il n’a fallu que 6 jours et demi pour restaurer l’électricité à Kobé après le séisme du 17 janvier 1995.
En revanche, en ce qui concerne les ponts, ports et aéroports, les dommages sont plus rares mais les réparations longues et coûteuses.
Au-delà des dommages purement matériels, les dysfonctionnements induits se répercutent sur les activités et les échanges qui en sont tributaires : une coupure d’électricité peut compromettre l’assainissement et la distribution de l’eau, une coupure de troncçon de route peut gêner des secours... Dans le cas de la vulnérabilité des réseaux, la composante « aval » est donc singulièrement importante.
Comment caractériser la vulnérabilité d’un réseau ?
Les facteurs expliquant et aggravant les effets d’aléas naturels sur les réseaux sont les suivants :
• La localisation spatiale et la densité
La concentration et la multiplication des interactions accroissent la vulnérabilité. Un carrefour routier complexe, une gare aux multiples correspondances ou encore une centrale électrique sont des exemples de nœuds vulnérables dans les réseaux.
• L’enterrement des réseaux et l’urbanisme souterrain
La multiplication des réseaux souterrains conduit à un encombrement du sous-sol. Elle rend les différents réseaux inter-dépendants, tandis que la localisation des dommages est rendue plus difficile. La cause de tels sinistres est généralement due à des séismes. Par ailleurs, cet enterrement peut occasionner un aléa d’effondrement…
• Les interdépendances et les effets d’une concentration de réseaux
Les réseaux, en structurant l’espace, peuvent aussi diffuser les sinistres en déplaçant l’aléa (chute en série de pylônes électriques à partir d’un pylône endommagé dans le cas d’une tempête…) ou en diffusant et en amplifiant l’impact de l’aléa (une coupure d’un réseau routier provoquant des embouteillages et ralentissant les secours).
• La concentration du commandement et des pouvoirs en milieu urbain
Par extension, la ville peut être assimilée à ses territoires environnants (auxquels elle est reliée par de multiples réseaux) et former ainsi un bassin-versant de risques. Dans un tel espace, une catastrophe peut entraîner successivement une urgence, crise puis chaos si aucun système de communication alternatif ne peut épauler les autorités politiques.
Exemple
Dans le cas du séisme du 15 août 2007, de nombreuses coupures ont affecté le réseau routier principal péruvien, et ce sur l’ensemble du territoire national.
Des éboulements ont par exemple entravé la circulation dans les provinces de Junin, Huanuco et San Martin. Le plus grand nombre de coupures a néanmoins été relevé, de façon logique, à proximité de l’épicentre du séisme (régions d’Ica, Lima, Huancavelica). Des éboulements sur la route, des affaissements de la chaussée ont notamment eu lieu dans la partie andine de la région (secteurs de Chocórvos, Huanchos…). Les secteurs de Pisco et Ica ont, quant à eux, souffert de la destruction de nombreux ponts. Une semaine après le séisme, la protection civile péruvienne recensait encore douze coupures sur le réseau routier principal.
L’accès routier à la ville de Pisco fut particulièrement délicat et restreint, tandis que les accès aux villes de Huancano, Huanchos et Chocórvos demeuraient quasiment impossibles.
Comment, dès lors, porter secours aux 16 000 foyers sans abri du secteur de Pisco, ou aux 600 des secteurs de Huanchos et Huancano ?
En définitive, trois cas de figures sont rencontrés dans la région concernée :
Différenciation spatiale en fonction des difficultés à atteindre les zones sinistrées
- On distingue une première zone touchée par le séisme, mais directement accessible par route depuis la capitale Lima (Cañete, Chincha Alta). Les secours peuvent donc officier sans entrave et la vulnérabilité aval reste modérée. Quelques 20 000 foyers dont l’habitation fut détruite ont ainsi pu être assistés rapidement.
- Dans un second cas de figure, les secteurs sont hors d’atteinte par la route ; l’aide doit s’organiser à partir d’un pont aérien depuis la capitale Lima. Les secours progressent donc à partir des bases aériennes (Pisco, Ica…). Leur champ d’action reste toutefois restreint du fait de la mauvaise qualité du réseau routier. Dans ce cas la vulnérabilité aval est forte, aggravant certainement le sort des 16000 foyers sans abri de pisco, ou même les 300 d’Ica.
- Enfin, dans un troisième cas de figure, certaines zones sont déconnectées du réseau routier et, de surcroît, dépourvues de base aérienne (Chocórvos, Huancayo). Ces zones demeurent donc très difficilement accessibles par les secours : il faut effectuer de nombreux détours à travers le réseau routier secondaire pour profiter des quelques rares pistes praticables, ou encore progresser par voie aérienne à l’aide d’appareils légers (hélicoptères). En tout cas, cette difficulté de circulation confère une très forte vulnérabilité aval aux secteurs concernés, aggravant les conditions de plusieurs milliers de foyers dont le logement fut détruit.
Dans l’exemple évoqué, l’organisation macrocéphalique du Pérou (forte concentration des pouvoirs, organisation des réseaux autour de Lima) accroît la vulnérabilité des régions. Dès lors que des coupures apparaissent dans les connections avec la capitale, les alternatives de communication ou de circulation demeurent rares et la progression des secours difficile.
Méthode
L’endommagement d’un réseau peut être étudié de la façon suivante :
- Détermination des causes externes (aléa naturel) ou internes (mauvais entretien) de la coupure du réseau, calcul de la probabilité d’occurrence d’un aléa.
- Quelle est l’efficacité des dispositifs de prévention d’un éventuel dysfonctionnement ?
- En cas d’indisponibilité d’un réseau, quels sont les moyens de secours envisagés ?
- Effectuer l’inventaire des éléments exposés au dysfonctionnement du réseau : il peut s’agir d’autres réseaux qui deviennent saturés, des hôpitaux qui ne peuvent plus être desservis, d’entreprises qui ont un manque à gagner…
La vulnérabilité aval est souvent complexe à évaluer, elle doit cependant faire l’objet d’études précises et rigoureuses car une forte vulnérabilité aval provoque souvent des facteurs aggravants considérables en cas d’événements catastrophiques.
Les réseaux doivent notamment être pris en compte dans ce travail : le réseau suppose des vulnérabilités à tous les niveaux (humaine, matérielle, fonctionnelle), les conséquences secondaires de son endommagement entravent la gestion post-crise d’une catastrophe naturelle.