Auteur : Michel Corsini, Université de Nice Sophia-Antipolis.
L’aléa sismique en un lieu donné dépend des caractéristiques de la sismicité, qui sont connues grâce à l’étude des séismes et de la géologie. Il permet d’évaluer la probabilité pour une région ou un site donné de subir un séisme et d’estimer le niveau de danger pour les populations et les infrastructures. Les Antilles françaises constituent la région la plus sismique de France. Elles ont connu dans leur histoire plusieurs séismes destructeurs comme celui de 1839 en Martinique et de 1843 en Guadeloupe. Face à de telles menaces, la connaissance de l’aléa et du risque est absolument indispensable.
Définition
La vulnérabilité est une notion qui repose sur l’évaluation des conséquences d’un séisme sur le plan économique et humain.
La précision de l'aléa repose sur une bonne connaissance au niveau régional du contexte géologique et tectonique de la sismicité historique et instrumentale.
Définition
Le risque correspond à la probabilité de pertes humaines et de dégâts estimés en fonction de l’aléa. Dans le cas des séismes, l’aléa est difficile à définir avec précision, mais on peut agir pour diminuer son impact (éducation et information, aménagement du territoire, application de normes de construction, etc.).
La tectonique récente et le champ de déformation actuel
Les données géodésiques fournies par les stations situées dans la zone des Antilles indiquent un rapprochement des plaques lithosphériques. Ces déplacements génèrent des déformations aux limites des plaques. La convergence est absorbée en grande partie par la subduction, mais génère aussi des déformations à l’intérieur de la plaque caraïbe.
Au niveau des Petites Antilles, ces déformations se traduisent essentiellement par des plis et par des failles, que l’on peut observer aussi bien à Terre qu’en mer, en particulier grâce à des relevés bathymétriques précis. La tectonique récente est marquée dans le paysage par des escarpements qui correspondent aux tracés des failles. Ces failles s’organisent selon des directions principales NW-SE et E-W. Elles délimitent des fossés profonds et étroits, qui traduisent un effondrement en contexte extensif. Un autre réseau de failles majeures de direction NE-SW présente un jeu principal décrochant, qui accommode un coulissage horizontal. Ce dispositif de failles correspond globalement à une organisation contrôlée la convergence actuelle des plaques selon une direction NE-SW.
Exemple
En Guadeloupe :
• système de failles observé à l’affleurement (figures suivantes) :
- failles de direction NW-SE (Capesterre, Bouillante)
- failles de direction E-W (Gosier, Morne Piton)
- failles de direction N-S (Grande Vigie)
• système de failles décrites en mer :
- failles de direction ENE-WSW (fossé de la Désirade)
- failles de direction E-W (fossé de Marie Galante)
- failles de direction NW-SE (Montserrat, Roseau)
• système de plis observés à l’affleurement sur la Désirade.
En Martinique :
• système de failles observé à l’affleurement :
- faille de direction NE-SW (Saint Pierre, Lamentin, Trois îlets, Caravelle)
- faille de direction NW-SE (Bellefontaine)
Exemple de failles visibles à l'affleurement (BasseTerre, Guadeloupe) - Faille de Malendure.
Exemple de failles visibles à l'affleurement (BasseTerre, Guadeloupe) - Faille de la Pointe des Lézards.
Sismicité historique et instrumentale
Définition
En matière de sismicité, on définit un temps de récurrence qui est l'intervalle de temps entre deux séismes successifs sur la même portion de faille. Il correspond théoriquement au temps nécessaire à l'accumulation des contraintes pour aboutir à une nouvelle rupture. Dans les régions à forte sismicité comme les Antilles, ce temps de récurrence peut être de quelques dizaines à quelques centaines d'années.
La connaissance de cette récurrence est fondamentale pour définir l'aléa sismique qui est pris en compte pour déterminer le risque sismique. Elle doit s'accompagner d'une estimation de la magnitude et de la localisation des séismes potentiels.
L’analyse des données sur les séismes passés permet d’estimer la localisation et la magnitude probables des prochains séismes.
Rappel
L’ampleur d’un séisme est caractérisée et quantifiée par son intensité et sa magnitude.
La sismicité instrumentale permet de réaliser une écoute sismique permanente, grâce à l’installation de réseaux de stations de sismomètres
. Basée sur une période de quelques dizaines d'années, elle montre que la sismicité des Antilles présente quelques séismes majeurs de forte magnitude (fig. suivante).
LOCALISATION DES EPICENTRES DE SEISMES ENREGISTRES DANS LES PETITES ANTILLES ENTRE JANVIER 1981 ET SEPTEMBRE 2005 (extrait du fichier IPGP)
Crédits : Archipel Guadeloupéen, Rapport BRGM/RP-55012-F
La répartition dans l’espace des séismes (fig. ci-dessous) met en évidence (1) une sismicité superficielle liée aux déformations à l’intérieur des plaques qui souligne l’activité des failles et (2) une sismicité profonde qui permet d’imager la géométrie de la zone de subduction.
Localisation en profondeur des séismes dans l'archipel guadeloupéen (d'après Geo-Ter, 2002)
Durant la période historique, de nombreux tremblements de terre ont affecté la Guadeloupe et la Martinique :
La sismicité historique
• Guadeloupe :
- 8 février 1843 (intensité IX-X) : 1500 morts, destruction de Pointe à Pitre
- 16 mars 1851 (intensité VII) : Capesterre en relation avec le jeu de la faille de bordure du fossé de Marie Galante
- 29 avril 1897 (intensité VII) : Pointe à Pitre en relation avec la faille de Gosier
• Martinique :
- 16 juin 1802 (intensité VII-VIII) : plaine du Lamentin
- 11 janvier 1839 (intensité IX) : 300 morts à Fort de France, épicentre estimé au large des côtes atlantique, au NE de l’île
- 7 novembre 1727 (intensité VIII) : idem
- 21 mai 1946 (VII-VIII) : idem
La liste complète des séismes d'intensité au moins égale à VI est présentée au sein du tableau ci-contre.
La sismicité instrumentale
• Guadeloupe :
- 3 août 1992 (magnitude 5,6) : environ 40 km de Marie galante
- 1 novembre 1983 : environ 20 km à l’Est de Marie galante, en relation avec les failles de bordure du fossé
- de 1981 à 1994, plusieurs séismes de magnitude comprise entre 4,6 et 4,8 : en relation avec le jeu des failles bordière du fossé de la Désirade
• Martinique :
- 8 juin 1999 (magnitude 5,1) : séisme relativement profond (50 km)
- 30 août 2005 (magnitude 4,9)
- 29 novembre 2007 (magnitude 7,3) : séisme intra-plaque très profond (150 km)
La liste complète des séismes de magnitude au moins égale à 4,5 st présentée au sein du tableau ci-contre.
On constate que la plus grande partie des séismes se concentrent à proximité des grandes failles (fig.suivantes).
Les mécanismes au foyer des séismes enregistrés indiquent un jeu normal (en distension) pour les systèmes de failles E-W et NE-SW et un jeu décrochant (en coulissage horizontal) pour les failles NW-SE. L’ensemble de ce dispositif est cohérent avec la convergence actuelle des plaques mesurée par la géodésie.
CARTE BATHYMETRIQUE DE L'ARCHIPEL GUADELOUPEEN AVEC LA LOCALISATION DES PRINCIPALES FAILLES ET DES SEISMES HISTORIQUES (modifié d’après Feuillet et al., 2002)
Crédits: N. Feuillet, I. Manighetti and P. Tapponnier (2002) - Arc parallel extension and localization of volcanic complexes in Guadeloupe, Lesser Antilles, J. Geophys. Research, 107, B12, 2331, doi:10.1029/2001JB000308.
CARTE SISMOTECTONIQUE DE L'ARCHIPEL GUADELOUPEEN
Crédits: Archipel guadeloupéen, Rapport BRGM/RP-55012-F