Perturbation du système au milieu du 19e siècle



La rupture de l'équilibre apparaît dans les années 1840-1850. Noyers voit sa population diminuer de 77 habitants entre 1841 et 1851, Valbelle de 176 alors que les communes du versant sud sont caractérisées par une stagnation qui annonce le déclin de la décennie suivante.

Cette rupture du fonctionnement traditionnel du système peut s'interpréter comme résultant de la conjonction de différents types de facteurs.

remarque Remarque


Des facteurs prédisposant qui sont à l'origine de la fragilité du système. Il s'agit de facteurs structurels, intimement liés au fonctionnement du système, préexistants au déclenchement de la " perturbation ". Parmi ces facteurs nous avons distingué :
• des agents externes qui font intervenir des éléments d'échelles régionale ou nationale. C'est le cas, pour ce qui est des aspects " naturels ", du climat caractérisé par une forte variabilité, quelle que soit la périodicité adoptée. Du point de vue social, les relations certes limitées avec les basses terres constituent un facteur d'ouverture au monde extérieur qui sera décisif par la suite ;
• des agents internes : ils concernent plus particulièrement la Montagne de Lure. La réduction ancienne et importante du couvert forestier est un élément de fragilité " écologique " du système tout comme les faibles productivités agricoles du point de vue économique.

Ces facteurs qui participent de la fragilité du système existent depuis plusieurs décennies sans affecter outre mesure le fonctionnement d'ensemble. C'est l'émergence de facteurs déclenchant, essentiellement d'ordre économique et social, qui va amorcer la rupture du système.


Le système traditionnel de Lure (agents internes) est dans l'impossibilité de répondre aux nouvelles exigences de la concurrence agricole et de la commercialisation accrue. L'utilisation de l'ensemble du finage communal interdit toute extension des terres cultivées qui permettrait d'augmenter les productions. La rareté des excédents commercialisés (ventes épisodiques d'amandes aux confiseries d'Aix, rares surplus de blé) et donc des rentrées monétaires interdit l'usage des engrais et donc les gains de productivité alors que la densité de population reste importante.
Ces facteurs économiques et sociaux expliquent dans une large mesure le déclenchement de la crise qui va affecter l'ensemble du " système-Lure ". Ils n'expliquent pas totalement l'ampleur d'un phénomène qui dépasse la simple adaptation. Si, les premières années, la vague d'exode peut s'expliquer par un " trop plein " démographique par rapport aux ressources, la poursuite de ce mouvement s'explique par une rupture plus profonde que l'on peut mettre en rapport avec certains facteurs aggravants de la crise.

explication Explication

L'un des agents externes que nous avons mis en évidence concerne l'inflexion climatique qui se manifeste au cours des années 1830-1840 et qui perdure jusque dans les années 1880. On peut ainsi noter que la moyenne des précipitations passe de moins de 500 mm pour la période 1800-1840 à plus de 600 mm pour la période 1840-1880 avec en outre une variabilité inter annuelle beaucoup plus grande.

Une telle modification se traduit par " une recrudescence de l'activité torrentielle et des crues, par une multiplication des mouvements de terrains affectant notamment les secteurs marneux de bas de versant " (Pech et al, 1997).

Les délibérations du conseil municipal de Noyers-sur-Jabron et les archives départementales de Digne font état de crues du Jabron en 1839, 1841, 1842, 1846, 1855, 1861, 1863, 1868, 1872, 1882, alors qu'une sécheresse importante est mentionnée en 1869.

S'il convient d'utiliser ces sources avec prudence, une amplification des phénomènes étant toujours possible, la multiplication de tels comptes rendus témoigne d'une modification de la dynamique des écoulements. Or les destructions (pont, voirie, etc.) occasionnées par de tels épisodes se traduisent pour la commune par un surplus de dépenses souvent financé par des ventes de bois qui se matérialisent par une diminution des espaces boisés.


En termes de risques naturels et de vulnérabilité du milieu physique de la montagne de Lure, nous soulignons que des agents externes rejoignent ici les agents internes propres au territoire. Dans un milieu de fortes pentes, pratiquement intégralement mis en valeur, la réponse du milieu aux épisodes climatiques est immédiate. Le rôle tampon des sols et de la forêt est fortement amoindri par cette rétractation des espaces boisés. Ces modifications écologiques se traduisent aussi au niveau agricole par la répétition d'années difficiles, trop sèches ou trop humides.

 
Définition

Le finage correspond aux limites d'un territoire villageois. Très souvent le finage regroupe plusieurs terroirs permettant une diversification des ressources.

Définition

Changement du rythme climatique.

Définition

Relatif aux marnes, roches peu résistantes et peu cohérentes composées de minéraux argileux et calcaires.