Les remontées d'eaux froides le long des côtes nord-ouest africaines

Le premier exemple que nous avons choisi de traiter concerne l' upwelling des côtes nord-ouest du continent africain.
Parmi les quatre grands écosystèmes mondiaux d'upwelling (avec les côtes du Pérou et du Chili - courant de Humboldt, les côtes de l'Afrique du Sud - courant du Benguela et la côte californienne - courant de Californie), cette région est l'une des plus riches en biodiversité et ressources halieutiques de la planète. Soumises aux alizés de nord - est, les côtes du Sénégal et de la Mauritanie connaissent d'importantes remontées d'eaux froides du fond vers la surface. Ces eaux riches en nutriments permettent une intense efflorescence phytoplanctonique et le développement de l'ensemble de la chaîne alimentaire, depuis le zooplancton et les organismes invertébrés, jusqu'aux maillons supérieurs, poissons, mammifères marins et colonies d'oiseaux de mer.
Cette forte productivité biologique dont dépendent de nombreuses communautés de pêcheurs connaît bien entendu une importante variabilité saisonnière. Mais elle est aujourd'hui soumise aux effets du réchauffement climatique et surtout à une surexploitation de la part de flottes étrangères qui pillent littéralement les eaux continentales aux dépens des populations locales qui rentrent de plus en plus souvent avec leurs filets vides.
Pour assurer la durabilité de la pêche et une meilleure gestion des ressources halieutiques, il est nécessaire d'avoir une connaissance détaillée des mécanismes qui contrôlent la productivité des écosystèmes d'upwellings, de leur variabilité et des structures spatiales qui leur sont associées comme les tourbillons et les filaments.

La figure ci-dessous présente la zone d'étude qui s'étend du nord au sud depuis le Cap Blanc en Mauritanie à l'archipel des Bissagos en Guinée Bissau et d'est en ouest, des côtes du continent africain à l'archipel du Cap Vert.

Localisation géographique de la région soumise au phénomène d'upwelling



Cette région littorale s'étendant des côtes mauritaniennes aux côtes de la Guinée est soumise au balancement saisonnier de la zone de convergence intertropicale (ZCIT), qui joue le rôle de frontière météorologique mouvante entre les deux hémisphères. Le mouvement de la ZCIT entraîne une alternance très nette entre une saison sèche qui s'étend généralement de novembre à mai et une saison humide de juin à octobre. Pendant la saison sèche, correspondant à l'hiver dans l'hémisphère nord, la ZCIT atteint sa position la plus méridionale, alors qu'elle oscille vers le nord pendant la saison humide - été boréal. Ce mouvement d'oscillation de la zone de convergence intertropicale s'accompagne d'un changement des régimes de vents et conditionne par conséquent fortement la position et l'intensité de l'upwelling.

L'animation suivante montre l'évolution des structures thermiques superficielles de la mer entre la Mauritanie et la Guinée Bissau, pour l'année 2006.

Evolution des TSM au large des côtes mauritaniennes et sénégalaises au cours de l'année 2006.



La variabilité saisonnière des températures de surface de la mer au niveau de l’upwelling côtier ouest-africain est connue pour être une des plus fortes de la planète, de l’ordre de 12° C (Rébert, 1983Hydrologie et dynamique des eaux du plateau continental sénégalais).
C'est effectivement ce que nous constatons en comparant la situation de février - mars - où les températures de la mer atteignent des valeurs de 16 - 18°C le long des côtes de Mauritanie et du Sénégal, à celle des mois de septembre, octobre et novembre, pour lesquels les températures avoisinent les 26 - 28°C.

Pendant la saison froide qui s'étend de décembre à mai, les alizés soufflant du nord-est et déviés par la force de Coriolis poussent les eaux littorales vers le large. Des résurgences d'eaux froides se forment alors tout le long des côtes mauritaniennes et sénégalaises, et s'étendent même jusqu'au large de l'archipel des Bissagos en Guinée Bissau, au cœur de la saison froide en février et mars. A cette latitude, les eaux froides suivent le plateau continental et l'archipel reste toujours entouré d'eaux dont la température varie entre 24 et 27°C (figure ci-dessous - SST de décembre à mai 2006).
L'intensité maximale du phénomène d'upwelling est localisée essentiellement devant les côtes mauritaniennes. Les méandres et les longs filaments d'upwellings que l'on observe sur les images des 19 février et 26 mars 2006 montrent que les eaux froides peuvent être poussées vers le large, jusqu'à 400 milles marins des côtes.
Au niveau du Banc d'Arguin, entre le cap Blanc et le cap Timiris, les hauts fonds permettent le maintien d'une couche d'eau toujours plus chaude que les masses d'eaux environnantes, excepté pour les mois de décembre, janvier et février, où le plateau continental est envahi par les eaux froides.

Températures de surface de la mer au large de l'Afrique de l'ouest pendant la saison froide (décembre à mai 2006).



Lorsque la saison chaude débute en mai - juin, la remontée de la ZCIT vers le nord entraîne un affaiblissement et un déplacement progressif des alizés dans la même direction, laissant place à un régime de vents d'ouest plus faibles et variables, puis aux vents de mousson soufflant du sud-ouest.
Les résurgences d'eaux froides cessent dans la partie la plus méridionale et les eaux chaudes tropicales transportées par le contre-courant équatorial progressent vers le nord et envahissent petit à petit toute la région, jusqu'au cap Blanc (figure ci-dessous - SST de juin à novembre 2006).
On note cependant que la bathymétrie et la forme de la côte jouent un rôle considérable sur l'évolution des structures thermiques superficielles.
Sur l'image du mois de mai 2006 par exemple, nous observons une persistance des eaux froides au sud de la presqu'île du cap Vert, alors que les eaux chaudes ont déjà progressé plus au nord. Au plus fort de la saison chaude, le front thermique atteint sa position la plus septentrionale, au nord du cap Blanc, vers 22° de latitude nord. Plus au nord, les eaux restent relativement froides toute l'année, même si l'on observe une légère augmentation des températures entre les mois de septembre à novembre. Ces eaux froides sont transportées vers le sud par le courant des Canaries depuis les côtes marocaines. Les eaux les plus chaudes se situent au large et au sud-est du Banc d'Arguin, devant le cap Timiris, ainsi qu'autour du cap Vert. A partir du mois d'octobre, l'upwelling se remet en place devant le cap Blanc et au large du Banc d'Arguin. Les eaux froides suivent le plateau continental en se déplaçant vers le sud où elles atteignent le cap Vert dès le mois de décembre.

Températures de surface de la mer au large de l'Afrique de l'ouest pendant la saison chaude (juin à novembre 2006)

 
Définition

Remontée en surface d'eaux profondes et froides. C'est un phénomène océanographique qui se produit lorsque de forts vents marins (généralement des vents saisonniers) poussent l'eau de surface des océans laissant ainsi un vide où peuvent remonter les eaux de fond et avec elle une quantité importante de nutriments.

Définition

Zone de Convergence Intertropicale

Référence bibliographique

Rebert, J-P.. Hydrologie et dynamique des eaux du plateau continental sénégalais. 89. Document Scientifique Du CRODT, 1983. 99p.