Correction de l'absorption atmosphérique : la technique du "split window"

Les principales difficultés pour produire des champs de température de surface de la mer concernent le passage des températures de brillance des canaux infrarouges thermiques aux températures réelles de la surface et la discrimination entre la mer et les nuages. En effet, dans l'infrarouge thermique, le rayonnement mesuré par le capteur satellitaire est le rayonnement émis par la surface de l'eau. Lors de son trajet entre la surface océanique et le satellite, le rayonnement va être totalement ou en partie absorbé et contaminé par les différents constituants de l'atmosphère et les nuages. Il est donc nécessaire de corriger le signal parvenant au satellite pour restituer les températures de surface de la mer.

Les méthodes utilisées pour corriger l'atténuation du signal par l'atmosphère et obtenir ainsi les champs de température de surface de la mer varient en fonction du type de radiomètre à bord du satellite.
Pour les instruments ne disposant que d'un seul canal dans le domaine de l'infrarouge thermique, le calcul des TSM s'effectue par une approche empirique, par régression avec des mesures in situ.
Pour les radiomètres multispectraux, une combinaison des mesures effectuées dans deux ou trois bandes spectrales permet une bonne correction des effets atmosphériques. C'est la technique du "split window" ou algorithme à fenêtres multiples.

La technique du "split window" a été développée lors du lancement des satellites météorologiques américains de la série NOAA, afin de corriger les données acquises par ces satellites des effets atmosphériques indésirables. La surface océanique peut en effet être considérée comme un corps noir, dont l'intensité spectrale maximale est située aux environs de 10μm et dont le rayonnement peut être mesuré depuis l'espace par les radiomètres opérant dans les bandes spectrales de l'infrarouge moyen (3,7μm) et de l'infrarouge thermique (10,5 - 12,5μm). C'est au niveau de ces fenêtres spectrales que l'atmosphère est la plus transparente au rayonnement émis par la surface terrestre.
Cependant, les phénomènes d'absorption et d'émission par l'ensemble des constituants de l'atmosphère, principalement le dioxyde de carbone, l'ozone, les particules solides en suspension dans l'air et surtout de la vapeur d'eau sont loin d'être négligeables et doivent par conséquent être soustraits à la mesure satellitaire.
La température de surface de la mer est obtenue à partir des températures de brillance ou radiométriques des différents canaux. La différence entre ces températures est utilisée comme une indication des effets atmosphériques et est étalonnée de manière à corriger la température de brillance mesurée par un des canaux.

Une approximation de l'équation du transfert radiatif (Deschamps and Phulpin, 1980Atmospheric correction of infrared measurements of sea surface temperature using channels 3.7, 11 and 12um) conduit à l'équation linéaire générale du "split window":

Ts = a_0 +\sum a_i T_i
avec :
Ts : température de surface de la mer
Ti : température radiométrique des canaux i

Les coefficients ai peuvent être estimés théoriquement à partir des coefficients d'absorption de la vapeur d'eau, le principal gaz absorbant, ainsi qu'à partir des profils verticaux de température et en humidité de l'atmosphère (Deschamps and Phulpin, 1980Atmospheric correction of infrared measurements of sea surface temperature using channels 3.7, 11 and 12um, Llewellyn-Jones et al., 1984Satellite multichannel infrared measurements of sea surface temperature of the N.E. Atlantic ocean using AVHRR/2).
En pratique, il est très rare de disposer de radiosondages qui coïncident exactement avec les mesures acquises par satellite et les coefficients ai sont donc généralement déterminés par régression linéaire entre les températures de brillance et les températures de surface relevées par les navires ou les bouées, ce qui permet de pallier à la méconnaissance des paramètres cités précédemment (Mc Clain et al., 1985Comparative performance of AVHRR-based multichannel sea surface temperatures, Pagano et al., 1991Use of AVHRR data in the air-sea interactions).
La constante a0 est un terme de correction qui prend en compte les termes tels que la réflexion diffuse de la surface ou encore l'émission du dioxyde de carbone, qui ont une influence spectrale pratiquement constante.

Afin d'améliorer la précision des mesures fournies par l'équation linéaire du "split window", certains auteurs ont proposé d'autres algorithmes introduisant un terme non linéaire ((Llewellyn-Jones et al., 1984Satellite multichannel infrared measurements of sea surface temperature of the N.E. Atlantic ocean using AVHRR/2, NOAA/NESDIS, 1991"Appendix E: historical record of significant events affecting the TIROS-N series satellite and heat budget / SST products", Yu and Barton, 1994A non regression coefficients method of sea surface temperature retrieval from space), ou encore, utilisant une expression dépendante de l'angle zénithal du satellite (Antoine et al., 1992Errors at large satellite zenith angles on AVHRR derived sea surface temperatures). D'autres auteurs ont montré que les meilleures concordances entre les températures absolues et celles mesurées à partir des radiomètres étaient dépendantes des saisons, et suggèrent par conséquent, l'utilisation d'algorithmes "saisonniers" (Castagné et al., 1986Operational measurement of sea surface temperature at CMS Lannion from NOAA-7 AVHRR data).
En général, la précision de ces algorithmes est d'environ 0,5 - 0,7°C pour des valeurs de température de surface allant de 3 à 30°C (Wald, 1985Apport de la télédétection spatiale en infrarouge proche et moyen à la connaissance du milieu marin : relations entre le champ de température et le champ de courant, observations de l'état de surface et mesures de la vitesse du vent, la dynamique de la couche superficielle en mer Ligure).

La restitution des champs de température de surface de la mer obtenus par les satellites défilants peut être complétée par les capteurs embarqués sur les satellites géostationnaires.
En dépit de leur moindre résolution spatiale, ces derniers possèdent des avantages par rapport aux satellites NOAA. Faible coût des données, facilité de traitement, notamment pour les opérations de géoréférencement, et surtout une fréquence d'observation très élevée, leurs permettent d'observer plus régulièrement les structures océaniques superficielles qui ont une forte dynamique spatio - temporelle. C'est le cas en particulier dans les régions tropicales où la forte couverture nuageuse (opaque au rayonnement IR) constitue un obstacle à l'observation de la surface océanique pour les satellites sur orbite défilante, dont la faible répétitivité se révèle peu adaptée.

Pour le satellite MSG, le calcul des températures de surface de la mer s'effectue généralement avec deux algorithmes split window non linéaires de nuit et de jour. Ces deux algorithmes utilisent les bandes spectrales 10,8 μm et 12 μm, l'algorithme utilisé pour déterminer les TSM de nuit utilise en plus la bande radiométrique 3,9 μm.
Les données nocturnes sont généralement considérées comme plus représentatives que celles obtenues de jour. En effet, par temps calme et ensoleillé, le soleil réchauffe les tous premiers cm de la surface de la mer et les températures mesurées par le satellite ne sont pas représentatives de la situation océanographique. L'angle zénithal d'observation du satellite est également pris en compte, permettant ainsi de corriger les variations d'absorption du rayonnement par l'atmosphère, entre le centre de la scène et la périphérie.

 
Définition

Température apparente d'une surface mesurée par un radiomètre. Cette température n'est pas la température réelle de la surface, ca la mesure effectuée au niveau du capteur suppose que l'émissivité de la surface observée est égale à 1, soit celle d'un corps noir.

Référence bibliographique

Deschamps, P.Y., Phulpin, T.. Atmospheric correction of infrared measurements of sea surface temperature using channels 3.7, 11 and 12um . Boundary Layer Meteorology, 1980, n°18, 131-143.

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Deschamps, P.Y., Phulpin, T.. Atmospheric correction of infrared measurements of sea surface temperature using channels 3.7, 11 and 12um . Boundary Layer Meteorology, 1980, n°18, 131-143.

Référence bibliographique

Llewellyn-Jones, D.T, Minnett, P.J., Saunders, R.W. and Zavody, A.M.. Satellite multichannel infrared measurements of sea surface temperature of the N.E. Atlantic ocean using AVHRR/2 . Quaterly Journal of the Royal Meteorological Society, 1984, n°110, 613-631.

Référence bibliographique

McClain, E.P., Pichel, W.G. and Walton, C.C.. Comparative performance of AVHRR-based multichannel sea surface temperatures. Journal of Geophysical Research, 1985, C6, n°90, 11587-11601.

Référence bibliographique

Pagano, P., De Leonibus, L. and Schiarini, S.. Use of AVHRR data in the air-sea interactions. Proceedings of the 5th AVHRR data users' meeting, Tromsø, Norway, 1991, n° , 243-252.

Référence bibliographique

Llewellyn-Jones, D.T, Minnett, P.J., Saunders, R.W. and Zavody, A.M.. Satellite multichannel infrared measurements of sea surface temperature of the N.E. Atlantic ocean using AVHRR/2 . Quaterly Journal of the Royal Meteorological Society, 1984, n°110, 613-631.

Référence bibliographique

NOAA/NESDIS. "Appendix E: historical record of significant events affecting the TIROS-N series satellite and heat budget / SST products" . NOAA polar orbiter data user's guide. Kidwell, K.B. (ed.), 1991. 21p.

Référence bibliographique

Yu, Y., Barton, I.J.. A non regression coefficients method of sea surface temperature retrieval from space . International Journal of Remote Sensing, 1994, 15 , n°6, 1189-1206.

Référence bibliographique

Antoine, J.Y., Derrien, M., Harang, L., Le Borgne, P., Le Gleau, H. and Le Goas, C.. Errors at large satellite zenith angles on AVHRR derived sea surface temperatures. International Journal of Remote Sensing, 1992, 13, n°9, 1797-1804.

Référence bibliographique

Castagné, N., Le Borgne, P., Le Vourch, P. and Orly, J.P.. Operational measurement of sea surface temperature at CMS Lannion from NOAA-7 AVHRR data. International Journal of Remote Sensing, 1986, 7, n°8, 953-984.

Référence bibliographique

Wald, L.. Apport de la télédétection spatiale en infrarouge proche et moyen à la connaissance du milieu marin : relations entre le champ de température et le champ de courant, observations de l'état de surface et mesures de la vitesse du vent, la dynamique de la couche superficielle en mer Ligure. Thèse de Doctorat, 1985. 259p.