Origine d'une fréquence temporelle


La définition d’une fréquence temporelle d’occurrence suppose que l’aléa survienne avec une certaine régularité dans le temps.

Celle-ci peut avoir une double origine : exogène ou endogène, voire résulter d’une interaction entre les deux.

Dans le cas exogène, la fréquence temporelle d’occurrence du phénomène est intimement liée à la périodicité temporelle des conditions environnantes, également appelées conditions aux limites ou forçage externe.

Par exemple, la quasi-parfaite périodicité du mouvement de la Terre par rapport au soleil implique la périodicité des saisons, dont certaines sont caractérisées par des aléas climatiques tels que mousson, cyclones ou tempêtes.
La saison cyclonique s’étend de juin à novembre dans l’hémisphère Nord. Pour les Antilles, cette période s’étend plutôt de juillet à Octobre, avec une forte activité entre le 15 août et le 15 octobre. Dans l’hémisphère Sud, la saison couvre une période allant de novembre à avril.
De même, lors des saisons où les précipitations sont abondantes, la nucléation des glissements de terrain sera favorisée. Dans ces cas précis, on se rapproche de la notion de cycle. Toutefois, si l’on sait que les cyclones reviendront à la même période année après année, on ne peut a priori rien dire sur leur magnitude, ni sur celle des glissements de terrain. Cette information n’est donc pas pleinement utile.

Dans le cas endogène, le forçage externe n’est pas forcément périodique dans le temps.
Par exemple, le mouvement des est considéré comme constant sur des échelles de temps de quelques millions d’années ou plus, largement supérieures aux échelles de temps des sociétés humaines. Il n’existe donc pas de cycle mécanique imposé de l’extérieur à la tectonique.
Pourtant, il est possible d’estimer des périodes de retour concernant l’occurrence des forts séismes, généralement quantifiées en siècles, voire en dizaines de milliers d’années. On voit donc que malgré l’absence de cycle temporel dans les conditions aux limites imposées aux plaques tectoniques, les forts séismes surviennent assez régulièrement dans une région donnée.
Un modèle mécanique simple, celui du rebond élastique, permet d’envisager une cause à une telle périodicité. Selon ce modèle, un séisme est dû à l’accumulation progressive de contrainte sur un plan de faille, du fait du mouvement relatif entre les plaques.
En mécanique, une contrainte est une grandeur physique qui a la dimension d’une force rapportée à une unité de surface : elle s’exprime donc en Pascals (Pa), comme la pression. Lorsque cette contrainte atteint le seuil de résistance mécanique du plan de faille, le séisme a lieu afin de relaxer cette contrainte, qui diminue sensiblement et brutalement sur ce plan – ainsi que dans toute une partie du milieu environnant. Le prochain séisme sur ce plan ne pourra s’y produire que lorsque la contrainte y aura augmenté progressivement pour redevenir suffisamment proche du seuil de rupture.

La figure ci-dessous illustre ce concept avancé par Reid en 1910 suite au grand tremblement de Terre de San Francisco en 1906.

exemple Exemple

Fréquence temporelle - Illustration

Dans la colonne de gauche, le stade A correspond à la situation juste après un séisme ayant eu lieu sur la faille verticale tracée en noir. La barrière est supposée avoir été posée juste après le séisme.
Le mouvement des plaques de part et d’autre de la faille provoque une augmentation de la contrainte cisaillante du fait de la friction qui empêche le glissement sur la faille (stade B).
Lorsque la contrainte cisaillante dépasse le seuil de friction sur la faille, un glissement brutal se produit (stades C et D).
Contrairement au problème de rupture de la barre sur la colonne de droite, la faille « guérit », ce qui signifie que les forces de friction se rétablissent, et bloquent à nouveau la faille. On se retrouve au stade A, excepté qu’un déplacement permanent affecte la faille, et décale la barrière. A droite, une photo prise après le séisme de San Francisco en 1906.
Crédits: Adapté de : lien externe Elastic Rebound Theory, National Central University, Taiwan.



La durée de l’attente entre deux séismes (appelée « seismic gap » ou « lacune sismique ») définit ainsi la période de retour sur ce plan de faille.

Elle dépend principalement de la vitesse de rechargement de la contrainte, proportionnelle à la vitesse relative entre les deux plaques.

C’est donc l’influence rétroactive du phénomène lui-même (le séisme) sur le paramètre physique qui contrôle son déclenchement (la contrainte) qui provoque dans ce cas l’apparition d’une fréquence temporelle d’occurrence caractéristique du séisme en question. La vitesse de rechargement, elle, demeure constante.

L’apparition de cette fréquence fait qu’on parle d’ailleurs de cycle sismique.

remarque Remarque

Dans la nature, ce modèle semble marcher assez bien pour les zones de subduction, pour lesquelles le plan de glissement d’une plaque par rapport à l’autre est plutôt bien défini.
Par exemple, si la vitesse de convergence entre deux plaques est V=10cm/an et que l’incrément de déplacement le long de la faille est de 10m à chaque séisme (puisque dans ce modèle tous les séismes sur une même faille sont identiques), alors la période de retour des séismes est D/V=100ans.
Ce sont effectivement les ordres de grandeur observés dans les zones de subduction majeures qui bordent l’océan Pacifique.
Pour les autres contextes tectoniques, que l’on soit près d’une frontière de plaque ou loin de celle-ci, le problème est différent. Le mouvement relatif est en effet accommodé par un réseau désordonné et diffus comprenant un grand nombre de failles de tailles et d’orientations diverses.
Lorsqu’un événement se produit sur une de ces failles, on peut montrer qu’il va y relaxer la contrainte, ainsi que sur des failles voisines. Cependant, on peut montrer qu’il va également augmenter la contrainte sur d’autres failles voisines. Le cycle sismique de chaque faille est donc perturbé, car chacune d’entre elles est soumise à deux contributions : un chargement tectonique extérieur régulier imposé par le lent mouvement des plaques, et des fluctuations internes complexes dues aux séismes ayant lieu sur les autres failles.
Au final c’est donc une organisation spatiale et temporelle complexe de la contrainte qui va contrôler l’occurrence temporelle des séismes. Il s’ensuit que l’on ne peut plus définir de cycle sismique pour chaque faille dans ce cadre-là.



exemple Exemple

L’observation de la sismicité sur un segment de la faille de San Andreas près de la localité de Parkfield est caractérisée par une sismicité singulière : des séismes de magnitude similaire (proche de 6) s’y produisaient selon une série assez régulière : en 1857, 1881, 1901, 1922, 1934 et 1966 (points bleus sur la figure ci-dessous, qui représente le nombre cumulé de séismes avec M>6 en fonction du temps), soit une période de retour de l’ordre de 22ans +/ 7ans.

Si ce segment était représentatif du modèle du rebond élastique, le séisme suivant aurait dû se produire vers 1988. Il fallut attendre 16 ans de plus, c’est-à-dire l’année 2004, pour l’observer (point rouge).

Observation de la sismicité sur un segment de la faille de San Andreas près de la localité de Parkfield.

Crédits: G. Ouillon, contribution personelle.



On peut transposer ces concepts pour certains autres aléas. Par exemple, on pense que la période de retour des éruptions volcaniques pourrait avoir son origine dans la durée nécessaire au remplissage progressif de la chambre magmatique en profondeur, après sa vidange lors de la dernière éruption. On note d’ailleurs une corrélation positive entre la durée de repos d’un volcan et le VEI de l’éruption qui y met fin.

 
Définition

Discipline qui étudie la déformation des roches

Définition

Parties superficielles et rigides de la Terre, qui se déplacent les unes par rapport aux autres (plaque Nord Américaine, plaque Caraïbe, etc.)

Définition

Le pascal est une unité SI de contrainte et de pression. Son symbole est Pa.

Définition

Processus d'enfoncement d'une plaque tectonique sous une autre plaque

Définition

Processus d'enfoncement d'une plaque tectonique sous une autre plaque

Définition

Discipline qui étudie la déformation des roches

Définition

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Définition

Volcanic Explosivity Index