L'époque moderne : vers le monde plein (15e - fin 18e siècle)









La péjoration des conditions climatiques (Petit Age Glaciaire) et les crises socio-politiques (guerres de religion très meurtrières dans la région) affectent et meurtrissent les villages de la région. Les châteaux sont désertés et ils seront rasés sous Richelieu (Estienne et al., 1997). Globalement, il y a un déplacement des bourgs vers le bas des versants. Cette période correspond sans doute à une rétractation des espaces exploités. C'est la mise en place d'une économie essentiellement autarcique, exploitant le milieu naturel pour ses diverses ressources, en particulier dans les bois ; un essor d'activités commerciales permet quelques plus-values.

Au cours des 17, 18 et jusqu'au premier tiers du 19e siècle s'édifie le mode de vie agro-sylvo-pastoral qui précède les bouleversements issus de la Révolution Industrielle, du développement urbain et de l'essor commercial contemporain. L'amorce de l'économie capitaliste permet le développement d'activités spéculatives plus ou moins intensives (ver à soie, chennevières, lavandaies, transhumance, herboristerie, cf. le travail de G. Roche-Galopini, 1998, glace, charbon de bois etc.). C'est la période pendant laquelle la montagne de Lure et ses avant-pays comme le Jabron vont connaître le maximum d'occupation démographique.
En 1830, le paysage est entièrement modelé par les impératifs de l'économie traditionnelle.

Le paysage de Lure au début du 19e siècle présente une physionomie largement ouverte où dominent les espaces cultivés ou pâturés. Qu'il s'agisse de la commune de Noyers, située au pied du flanc nord de Lure, ou de celle de Cruis sur le versant sud, les 3/4, voire les 4/5 de la superficie communale sont occupés par les terres de parcours (" landes " et pelouses), les labours et certaines cultures spécialisées. La forêt n'occupe que les pentes escarpées du versant nord de la Montagne de Lure, au sud du Jabron, où elles couvrent encore 37 % de la superficie du territoire communal contre seulement 12% sur l'adret de la montagne de l'Ubac, au nord du Jabron.


explication Explication


Le fonctionnement du " système Lure " dans la première moitié du 19e siècle correspond à un relatif état d'équilibre entre les différents agents qui le composent. Le rôle des agents externes reste limité. Les rythmes climatiques sont alors marqués par une certaine régularité. Certes les totaux pluviométriques sont faibles, en moyenne inférieurs à 500 mm/an, mais leur variabilité est limitée : sur la période 1800-1835 l'écart type n'est que de 120 (Pech et al., 1997).

Ce contexte climatique rend possible une agriculture méditerranéenne traditionnelle qui fonctionne sans à-coups majeurs : seule l'année 1820 est marquée par des gels intenses entraînant la mort d'une partie importante des oliviers. Les cadastres napoléoniens témoignent d'une utilisation exhaustive et intensive du milieu suivant un schéma bien connu avec les cultures de coteaux (restanques) et les cultures de fond de vallée (oulières), avec une utilisation multifonctionnelle des espaces boisés . Le paysage rural offre une véritable mosaïque de petites parcelles traduisant la diversité et l'extension spatiale de la mise en valeur. Les agents internes du système permettent ainsi un fonctionnement sans crise majeure.

 
Définition

Emprunté au provençal « ouliero » : allée de terre labourable entre deux rangs de vigne.