Leçon 6 - Les territoires de l'immigration au XX° siècle

2.2. Portugais invisibles

En une décennie, de 1960 à 1970, le nombre de Portugais en France est passé de 50 000 à plus de 700 000. Rien qu'en 1969 et 1970, près de 240 000 Portugais sont arrivés en France, en très grande majorité de façon clandestine. En 1968 il y avait 500 000 Portugais en France, dont la moitié en région parisienne. Les autorités françaises ferment les yeux sur une immigration massivement illégale, tout en facilitant la régularisation des travailleurs portugais arrivés en France .

La chute de la dictature, le 25 avril 1974, la fin des guerres coloniales (1961-1974) , l'avènement d'une démocratie au Portugal, l'entrée du Portugal dans l'Union Européenne tarissent les flux.

Les immigrés viennent essentiellement des provinces situées au nord du Tage. Ils sont des paysans ou de petits artisans, très peu ou pas du tout scolarisés. Environ 150 000 jeunes hommes fuient le Portugal pour se soustraire au service militaire et aux guerres coloniales. Ces hommes sont employés dans les secteurs industriels, automobile et surtout bâtiment. Dans la région parisienne, ils constituent la main d'œuvre des chantiers qui édifient le boulevard périphérique, le RER, la tour Montparnasse et la Défense.

Durs à la tache, ils travaillent beaucoup dans l'espoir de gagner le plus vite possible l'argent qui leur permettra de revenir au Portugal et d'y construire les « maisons de rêve » qui marquent leur réussite au village. Un grand nombre de femmes Portugaises deviennent ouvrières, domestiques, concierges, femmes de ménages, prenant la place des Espagnoles.

Paradoxalement, alors qu'ils constituent la première communauté étrangère par le nombre, les Portugais, peu revendicatifs, enfermés dans des associations qui leur sont propres, logés dans des bidonvilles uniquement portugais, sont ignorés de l'opinion française, alors que les Algériens, à cause de la guerre qui dure de 1954 à 1962, sont très présents dans la presse et les débats.

La sortie d'O Salto (le saut) à Paris le 1 décembre 1967 alerte l'opinion, dans un contexte politique de sensibilisation à la question des travailleurs immigrés, notamment sur les conditions de vie dans le bidonville portugais de Champigny.

Le film de Christian de Chalonge, fiction peu romancée tirée d'une enquête documentaire, montre la vie difficile d'un Portugais, Antonio, charpentier, qui fait « le saut », c'est à dire la traversée clandestine des Pyrénées. Il aboutit à Paris sur un chantier de construction et dans le bidonville de Champigny, plaque tournante de l'immigration portugaise.

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