Leçon 6 - Les territoires de l'immigration au XX° siècle

1.1. Rappel : Paris « sélectionne » ses migrants depuis la fin du XIX° siècle

La crise agricole de la fin du XIX° siècle rend la mobilité considérable à l'échelle de l'ensemble du territoire national : seulement un tiers (36,5%) des hommes reste enraciné dans son terroir depuis la conscription jusqu'à 45 ans. Deux tiers ont donc émigré ou se sont déplacés, dont près de 46% sur de longues distances. Quatre jeunes adultes sur 10, nés en 1860, ont tenté de quitter leur province d'origine. Dans ce cadre de mobilité généralisée, l'émigration des jeunes Français vers la Seine est minoritaire (35% des migrants, dont 25% vont vers Paris, et à peine 10% vers la banlieue). L'émigration vers la Seine présente des caractères originaux par rapport aux autres destinations ; la région parisienne sélectionne les migrants d'origine citadine au sein d'une masse écrasante de ruraux ; ils sont en meilleure condition physique et plus diplômés souvent en possession du certificat d'étude ; ils sont souvent issus du monde des employés, de la boutique et de l'artisanat alors qu'ouvriers et ouvriers agricoles hésitent à prendre le chemin de la métropole.

La Seine sélectionne ses migrants, et plus encore Paris que la banlieue qui se comporte du point de vue de ses migrants comme la province. Cette sélectivité renvoie aux possibilités d'emploi offertes dans la capitale : à 20 ans, 43% des émigrés à Paris travaillent dans le secteur commercial, notamment l'alimentation. Ces immigrants sont la plupart du temps seuls - les départs en famille sont très minoritaires – et sont animés du désir de trouver une situation indépendante, autonome qui permet l'ascension sociale. Quand à la criminalité de ces ruraux déracinés, idée abondamment développée par les contemporains, elle est infirmée par les statistiques : si on regarde la tranche d'âge des 15 à 45 ans, les provinciaux d'origine sont moins criminogènes que les Parisiens, malgré leur visibilité et leur surveillance plus grandes. Comme les Provinciaux, le creuset parisien attire les étrangers : jusqu'en 1914, 80% des étrangers résident à l'intérieur de la capitale : ils sont Belges, Allemands, Suisses ; les Juifs russes fuyant les pogroms s'installent dans le sud du quartier du Marais, ceux de l'ancien Empire ottoman dans le quartier de la Roquette. Comme au temps des colonies provinciales du Second Empire qui regroupaient Limousins ou Auvergnats entre eux, après la période de l'entre soi, comme moment de transition et d'acclimatation, vient le temps de la dispersion dans l'espace urbain.

Rappel

Les migrations provinciales de la période 1850-1914 ont été vues dans la leçon 2.

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