Leçon 8 - Crises des banlieues, politique de la ville et émeutes urbaines (1970- 2005)

1.3. Les cités d'habitat social : un nouveau cycle de peuplement

Sous l'effet des chocs pétroliers et de l'entrée dans la crise économique, le gouvernement met en œuvre une nouvelle politique d'immigration : elle aboutit au décret du 29 avril 1976 relatif aux conditions d'entrée et de séjour des membres des familles des étrangers autorisés à résider en France. L'intégration des familles passe par des conditions de logement semblables à celles des travailleurs français. L'entrée des immigrés dans le parc social est consécutive aux nouvelles orientations du VIe Plan, qui consistent a y loger tous les mal logés. La création de programmes très sociaux accélère le mouvement.

L'ensemble de ces mesures permet effectivement aux familles immigrées l'accès au logement social, mais accélère le départ des familles des classes moyennes et s'accompagne d'une diminution de la construction des logements sociaux. Les employeurs payent, à partir de 1975, une taxe sur les salaires de leurs travailleurs étrangers pour construire de nouveaux logements, mais les fonds seront surtout utilisés pour rentabiliser ou construire de nouveaux foyers et très peu pour accroître l'offre locative sociale. Cette politique produit des résultats rapides : suppression des grands bidonvilles, entrée des familles maghrébines dans les programmes HLM, mais aussi dans les cités de transit, les programmes très sociaux et le logement social de fait. Les populations les plus pauvres se concentrent dans les cités de transit. Une série de mesures techniques, sans véritable projet de société, conduit à assumer finalement l'idée longtemps refusée que les immigrés allaient rester.

Voir le document : Démolition d'une cité de transit

La nouvelle politique reformule la séparation entre le logement des immigrés et celui du reste de la population : aux immigrés les HLM où ne resteront que les plus pauvres ; les premiers occupants des HLM vont vivre ailleurs dans le pavillonnaire qui se développe et qui est une mobilité résidentielle en accord avec le cycle de vie et le désir d'accession à la propriété. Le regroupement familial provoque la transplantation de familles isolées qui ne bénéficient plus du secours des quartiers communautaires tels les bidonvilles.

Marché dans un bidonvilleInformationsInformations[1]

L'idée est de répartir les familles immigrées au milieu des ménages français, suivant des quotas d'environ 15 %. Mais le souci d'intégrer les immigrés dans le logement social conduit à des logiques territoriales de regroupement communautaire qui n'ont été ni pensées, ni anticipées. Des ghettos de pauvres se construisent ainsi, accueillant des nouveaux venus du Maroc, de Turquie ou d'Afrique noire, à la suite des familles algériennes. Les jeunes franco – africains, issus de l'immigration sahélienne émergent dans ces quartiers dans la décennie 1990. Cette ethnicisation de fait ouvre à partir des années 1970 un nouveau cycle de peuplement des cités d'habitat social

En Seine-Saint-Denis, la population scolaire étrangère passe de 17 % à 30 % entre 1975 et 1983. En 1992, 74 % des ménages maghrébins sont locataires d'une HLM. A l'échelle d'un bâtiment ou d'un quartier, la concentration de population étrangère devient considérable : Les Chamards à Dreux concentre 90% de population étrangère dans les années 1990 ; La Pierre Colinet à Meaux compte 7% d'étrangers en 1968 et 43% en 1975.

Exemple

La municipalité de Montereau s'inquiète en juin 1982, dans le Bulletin municipal, de l'évolution de la ZUP de Surville :

« Il faut stopper le phénomène d'appauvrissement qui gagne Surville (...) le rééquilibrage social de la cité est un besoin. Il faut faire en sorte que les familles de toutes compositions sociales puissent vivre en bon voisinage. Pour cela, il faut que d'autres communes participent à l'effort de solidarité, d'accueil à l'égard de l'immigration et des cas sociaux. Il n'est pas possible que Surville ait près de 30 % d'immigrés, avec les problèmes que cela pose et que d'autres villes de ce département n'accueillent même pas ceux qui travaillent sur leur territoire ».

  1. Exposition Toit et Moi

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