Leçon 7 - Le grand chambardement : aménagement régional, villes nouvelles et nouveaux départements (1965-1980)

3.4. Des transports pour toute la région ?

Dans les objectifs d'aménagement de la région parisienne la question des transports occupe une place centrale. Le constat de l'insuffisance manifeste de l'ossature régionale à l'orée des années 1960 est général. En 1962, les deux tiers de la population active travaillent en dehors de l'arrondissement ou de la commune de résidence. Pour gérer les quelques 15 millions de déplacements journaliers, les transports collectifs sont alors notoirement insuffisants. Le réseau ferré n'a guère évolué depuis 1940, le matériel date de l'avant-guerre et les liaisons de banlieue à banlieue sont quasi inexistantes. Côté autobus, la situation n'est pas plus florissante. La moyenne horaire n'était que de 12 kms par heure dans la capitale et de 20 kms par heure en banlieue. De 1955 à 1960 la circulation automobile a augmenté de 31%, sans que les infrastructures suivent, ce qui conduit à saturer quotidiennement le réseau.

Des projets routiers non réalisés
Des projets routiers non réalisésInformationsInformations[1]

Le SDAU prédit un accroissement irréversible des déplacements : l'évolution naturelle de la société de consommation engendre la croissance des besoins individuels de loisirs, qui nécessitent des déplacements. D'autre part la croissance démographique de la région parisienne ne pourra être contenue comme le pensaient les aménageurs graviéristes de la IVe République. Prédisant une population francilienne de 14 millions d'habitants en l'an 2000, le SDAU en déduit des déplacements quotidiens de l'ordre de 30 millions.

La saturation du métro parisien, fin des années 1940InformationsInformations[2]

Le District de la région parisienne était l'organe voulu par le pouvoir gaulliste pour trancher dans le vif les problèmes de transports. Au dessus de la mêlée, c'est à dire au dessus des élus locaux de tous bords, il planifia donc les nouveaux réseaux routiers et ferroviaires. Il fallait casser la logique radio-concentrique des déplacements entre Paris et ses banlieues, répondre au problème du sous-équipement de la banlieue et orienter les grands flux de population au sein de l'espace régional. Delouvrier souhaitait dégager des axes préférentiels d'urbanisation et de transport. L'axe principal, la Seine en aval de Paris, devait être doublé de deux axes tangentiels sur lesquels les villes nouvelles venaient se greffer. De Meaux à Pontoise, un premier axe long de 75 kms, de direction est-ouest, tangentiel à la partie nord de l'agglomération devait couper les centres urbains nouveaux de Bry-sur-Marne (future Marne-la-vallée), Beauchamp (qui ne sera pas réalisée) et de Pontoise (future Cergy-Pontoise). De Melun à Mantes, un second axe long de 90 kms, de direction sud-est / nord-ouest, tangentiel à la partie sud de l'agglomération devait couper quant à lui les villes nouvelles de Tigery-Lieusaint (future Sénart), Evry, Trappes (deux villes prévues qui fusionneront en une, Saint-Quentin-en-Yvelines) et Mantes (qui ne sera pas réalisée).

Les axes de transports et de développement du SDAUInformationsInformations[3]

Pour les transports collectifs, le SDAU innovait peu, reprenant les recettes du PADOG, à savoir le développement des lignes d'autobus pour répondre aux déplacements de banlieue à banlieue et la construction d'un RER pour couvrir les migrations quotidiennes de la banlieue vers la capitale. Dans ce dispositif, l'ensemble des villes nouvelles était bien relié à la capitale. La préférence de Delouvrier et de son équipe allait en revanche nettement au transport individuel, c'est à dire à l'automobile, choix largement partagé par les élites de l'époque. Fascinés par le modèle américain, et persuadés que les normes de déplacement du nouveau monde allaient toucher la France avant l'an 2000, ils prédisent que le nombre de véhicules va tripler entre 1965 et l'an 2000. Conscient des risques de saturation du réseau routier que va entraîner cette croissance du parc, Delouvrier explique qu'une grande partie des déplacements sera orientée vers les villes nouvelles, conçues pour une large utilisation de l'automobile. Ce choix de favoriser l'automobile fut clairement assumé et bénéficia même jusqu'en 1973 du soutien des plus hautes sphères de l'Etat. 1400 kms de voies nouvelles sont prévues par le District dès 1963, la plupart étant lancées dès les années 1960. Il s'agit en premier lieu d'améliorer la circulation des Parisiens via la construction du boulevard périphérique (1953-1973) puis la création d'une voie express sur les berges de la rive droite (1964-1967). Il s'agit ensuite de favoriser les liaisons avec la grande banlieue, au moyen d'autoroutes. Les villes nouvelles, implantées à une trentaine de kms de la capitale doivent évidemment bénéficier de ces infrastructures. Initiée dès 1946, l'autoroute de l'ouest atteint Mantes en 1963 et Rouen en 1968. Au nord, l'autoroute A1, lancée en 1964, rejoint Senlis en 1966. Au nord-ouest, la ville nouvelle de Cergy-Pontoise est desservie par l'autoroute A15 dès 1968. Au sud, l'A6 atteint Nemours en 1966, traversant la ville nouvelle d'Evry. Les prémices d'une rocade de banlieue réunissant les villes nouvelles de Trappes et de Marne-la-Vallée (future A86) datent également de cette période.

Mais les transports en commun ne furent pas négligés. Dès le début des années 1960, le District soutient la réalisation des premiers tronçons du RER (1961-1969), qui effectue la liaison entre le métro et le chemin de fer. La première ligne relie Nation et Boissy-Saint-Léger. Les villes nouvelles ne sont pas oubliées dans le schéma du RER. La ligne transversale Est-Ouest, imaginée en 1965, dessert Marne-la-Vallée. La transversale Nord-Sud devait desservir Evry et Sénart. Une seconde transversale Nord-Sud reliait Cergy-Pontoise et Saint-Quentin-en-Yvelines. En pratique, ces projets des années 1960 devront parfois attendre les années 1980 voire la fin des années 1990 pour être réalisés. Si Saint-Quentin-en-Yvelines et Evry sont reliées à la capitale dès les années 1970, Cergy-Pontoise, Marne-la-Vallée et Melun-Sénart ne le sont pas. En dépit des atermoiements et des retards pris dans la réalisation des transports en commun, les villes nouvelles finirent par être toutes intégrées au système francilien. Cette intégration favorisa le renforcement de leurs liens avec la capitale. Les jeunes du quartier Saint-Christophe de Cergy-Pontoise fréquentent aussi bien le quartier des Halles que la ville nouvelle, grâce à la liaison RER. A Marne-la Vallée, le développement de la ville s'effectue selon une logique est-ouest, qui est d'abord celle des principaux moyens de transport (autoroute, RER). A Cergy-Pontoise, la prolongation du RER accompagne l'urbanisation des dernières tranches de la ville nouvelle comme Cergy-le-Haut.

Consultez la carte : les villes nouvelles au cœur de l'aménagement régional[4], Source : IAURIF

  1. Source : L'Illustration, 1938

  2. Source : Carte postale, collection particulière.

  3. Source : Jean Vaujour, Le plus grand Paris, Paris, PUF, 1970.

  4. Source : IAURIF
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