Leçon 7 - Le grand chambardement : aménagement régional, villes nouvelles et nouveaux départements (1965-1980)

3.3. Le SDAU et la création des villes nouvelles

Voir le plan sur le site de l' IAURIF : 75 ans de planification en région parisienne

Dans l'histoire des plans d'aménagement de la région parisienne, le Schéma directeur de 1965 occupe une place à part. L'histoire de l'urbanisme francilien retient que, nommé en 1961 par Michel Debré pour exécuter le PADOG (1960), Delouvrier et son équipe de têtes chercheuses de l'Institut d'urbanisme et d'aménagement de la région parisienne (IAURP) établissent l'insuffisance du PADOG et prédisent que la population francilienne dépassera les 14 millions en l'an 2000. Ils proposent alors une révolution copernicienne des doctrines d'aménagement régional. Il faut, selon eux, rompre avec l'esprit malthusien et diriger, de manière très volontaire les flots de population nouvelle. S'il fut pris en considération par le gouvernement dès le 26 novembre 1964 et publié – dans une édition luxueuse – le 22 juin 1965, il ne sera officiellement approuvé qu'en 1976 sous le nom de SDAURIF. Il avait alors fait l'objet de deux révisions successives (1969 et 1975) qui avaient dénaturé un certain nombre de ses idées d'origine. L'invention des villes nouvelles entre en contradiction avec la politique de décentralisation menée depuis 1950, et leurs promoteurs durent lutter contre la force du malthusianisme anti - parisien et du volontarisme décentralisateur, sans effrayer les villes et les élus de province. Trois raisons expliquent la portée de ce texte :

  • le style volontariste de la rédaction, incarné par la fameuse citation de Sénèque placée en exergue de la publication : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas ; c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles ».

  • la clarté d'un propos, qui sait à la fois s'appuyer sur une documentation savante (grand nombre de cartes, tableaux statistiques, études de réseaux de transports) et éviter le langage universitaire.

  • La place importante à la notion de loisirs, qui n'est certes pas nouvelle, mais qui faisait encore peu partie des réflexions des aménageurs.

Complément

Cet extrait du SDAU définit les villes nouvelles et insiste sur leur différence avec Paris :

« Seront-elles des cités-satellites, suivant une expression souvent employée ? Ce mot-image, emprunté à la cosmographie, est ambigu :

- appliqué aux fonctions des villes nouvelles, il contient une part de vérité : se situant au sein d'une vaste agglomération, et étant reliées à cette dernière par de puissants réseaux de transport, elles n'ont pas un besoin aussi impérieux qu'une ville isolée de semblable importance d'assurer la totalité des fonctions urbaines, alors que leur situation ou leur taille ne leur permettraient qu'imparfaitement de les assurer.

Chacune n'a pas besoin de posséder un aéroport autre qu'un terrain spécialisé dans les liaisons d'affaires, ni une université complète, ni des hôpitaux spécialisés dans le traitement d'affections peu courantes. Regroupés en petit nombre à des nœuds de communication, bien reliés à l'ensemble de l'agglomération, de tels équipements pourront atteindre une qualité supérieure, sans devenir pour cela inaccessibles. De même, ces villes n'auront pas à procurer des emplois à tous leurs habitants et rien qu'à eux ; certains iront travailler autre part dans l'agglomération, cependant que viendront y travailler d'autres personnes habitant ailleurs.

Ensuite, il sera possible d'y implanter des équipements exceptionnels – grands musées d'art ou de techniques, par exemple – que quelques centaines de milliers d'habitants ne justifieraient pas, et qui ne pourront y être placés que du fait de l'insertion de ces villes dans une agglomération vingt fois plus peuplée.

Enfin le cœur de Paris restera le centre de toute l'agglomération, de toute la région urbaine et certaines des fonctions que ce cœur exerce resteront uniques : même si les théâtres se multiplient dans toute l'agglomération, il n'y aura toujours qu'une seule Comédie française ; les préfectures vont passer de trois à huit en région de Paris, mais quand il faudra avoir recours aux administrations centrales, c'est toujours dans le cœur de Paris qu'on les trouvera.

C'est pour tous ces motifs que les villes nouvelles de la région urbaine de Paris ne seront pas complètement autonomes. »

« Description du parti d'aménagement », pages 72-73, SDAURP, 1965

Extrait du Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne ,1965

Les cinq villes nouvelles

Les objectifs assignés aux villes nouvelles dans le Schéma de 1965 :

  • Etre situées à environ 30 km de Paris et atténuer le poids de la zone centrale

  • Absorber et diriger la forte croissance démographique de l'Ile de France

  • Offrir aux habitants un équilibre entre habitat et emploi afin d'éviter les migrations pendulaires

  • Constituer de véritables villes, avec des équipements, des cœurs de ville, un ou plusieurs centres urbains, afin de ne pas renouveler les erreurs des grands ensembles

  • Etre des laboratoires de l'innovation architecturale

  • Equilibrer la construction de logement entre logement social, accession à la propriété et offre privée, ainsi qu'entre habitat collectif et individuel.

  • Constituées de territoires de communes antérieures, elles sont conçues par un EPA (établissement public d'aménagement) et gérées par un SAN (syndicat d'agglomération nouvelle) chargées de la coopération intercommunale.

ComplémentL'architecture des villes nouvelles

Les responsables des villes nouvelles éditent un Guide de l'architecture dans les villes nouvelles de la région parisienne, Paris, Hachette, 1979 qui recense pour les seules cinq villes nouvelles de la région parisienne 200 opérations notables, expression de l'école française d'architecture post - moderne. Mais l'innovation se limite à quelques projets phares, limités en nombre et à une multitude d'opérations de taille modeste, ne dépassant pas quelques centaines de logements :

  • Pyramides d'Evry (Andrault et Parat),

  • Arènes de Picasso à Marne-la-Vallée (Manolo Nuñez),

  • Arcades du Lac de Bofill à Saint-Quentin-en-Yvelines,

  • Château d'eau des Quatre Pavés à Marne-la-Vallée (Christian de Portzamparc)

  • Immeubles de verre et acier dans le quartier des Nouveaux Horizons à Elancourt en 1971.

  • Axe majeur de Cergy-Pontoise. Conçu par l'artiste Dani Karavan, cette œuvre qui traverse plusieurs communes se veut un trait d'union au sein de la ville nouvelle.

Voir Loïc Vadelorge (dir.), Jean-Eudes Roullier : Un pionnier des politiques de l'espace urbain • La Documentation française • 2011 • 232 pages, qui contient la préface de Guy Salmon-Legagneur et Jean-Eudes Roullier : « Préface au Guide de l'architecture dans les villes nouvelles »

Nombreuses illustrations sur le site du musée de la ville.

Voir aussi les films d' Eric Rohmer, Les nuits de la pleine lune, 1984, construit sur les voyages entre Paris et Marne-la-Vallée et L'ami de mon amie, 1987, dont l'action se passe essentiellement à Cergy-Pontoise.

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