Leçon 5 - La solution des grands ensembles

Explication de document

L'analyse de ce discours permet de comprendre l'évolution de la politique urbaine en région parisienne à partir des années 1970 : constat d'un divorce entre les habitants et leur ville, condamnation des grands ensembles, soutien aux villes nouvelles

(Leçon 6).

Olivier Guichard (1920-2004), est en 1973 ministre de l'Aménagement du territoire, de l' Equipement, du Logement et du Tourisme dans le gouvernement de Pierre Messmer, à la fin de la présidence de Georges Pompidou. Devant la Chambre des députés il explique la nouvelle politique urbaine :

« D'une façon générale on peut dire que l'urbanisme français a été pauvre, et donc appauvrissant pour l'homme. L'aménagement urbain s'est contenté le plus souvent d'améliorer la circulation automobile. Les blocs d'habitation se sont alignés ; blocs sans beauté, alignements sans vie. On a fait du fonctionnel, en oubliant presque toujours que la beauté du décor quotidien est aussi une fonction que l'architecte doit assurer. On a cédé à la tentation du gigantisme surtout à cause de l'organisation très concentrée du secteur du logement dans notre pays. Les offices d'H.L.M. naturellement poussés à bloquer l'ensemble de leurs programmes de construction sur un site, ont réalisé des ensembles massifs parce qu'ils étaient des intervenants massifs. Plus que des habitations à loyer modéré on a fait des quartiers à loyer modéré, et ces zones mortes qui se sont multipliées autour de nos villes, cependant qu'elles-mêmes ne pouvaient même plus s'appuyer sur cette croissance pour évoluer et changer[...]. (...) En ce qui concerne l'agglomération parisienne, je ne suis pas suspect de me résigner trop facilement à son développement. Nous avons réussi à contrôler sa croissance et à freiner sa prolifération ; il ne faudrait pas à l'inverse la condamner à la fixité, lui refuser le développement indispensable à son aménagement, et à son rôle de capitale.

Paris pose d'une manière particulièrement aiguë le problème de la lutte contre la ségrégation par l'habitat. J'ai l'intention de constituer un groupe de travail avec les élus parisiens afin de voir comment on pourrait s'y prendre pour construire des logements sociaux dans Paris. Je pense qu'il pourrait étudier comment respecter la règle que j'ai fixée du minimum de 20 % d'H.L.M. Cela pourrait peut-être se rechercher en assurant une sorte de péréquation par laquelle les constructions rentables prendraient à leur charge une partie du coût des terrains nécessaires à la réalisation des H.L.M. Ce serait je crois, un moyen assez efficace pour compenser la charge foncière, si élevée à Paris.

On dit souvent que le prix des terrains bannit de Paris le logement social. Mais on observe moins souvent que le prix des terrains dépend en définitive du prix auquel les sociétés sont disposées à payer des bureaux à Paris en faisant ainsi l'occupation du sol la plus profitable. Des dispositions du plan d'occupation des sols pourraient, en pénalisant la construction de bureaux — par exemple en comptant 1 mètre carré de bureaux pour 2 mètres carrés d'habitation, amener à réduire les valeurs foncières. C'est une direction que le groupe de travail dont je viens de parler pourrait utilement explorer.

Quant aux grands ensembles, si caractéristiques de la région parisienne, j'ai d'ores et déjà décidé d'en arrêter un certain nombre. Une dizaine d'opérations sont remises en cause, comme la Z.U.P. de Montereau, le grand ensemble projeté à Nantes -Buchelay ou celui de Cormeilles-en-Parisis. Je me propose de passer au crible, avec le Préfet de la région parisienne, toutes celles qui ne sont pas conformes aux normes que j'ai fixées : non pas nécessairement pour les supprimer mais au moins pour les adapter, ou les améliorer.

On me dit parfois : pourquoi les villes nouvelles échappent-elles à votre condamnation ?

Pour la simple raison qu'elles sont le contraire des grands ensembles. Le grand ensemble échappe au centre, la ville nouvelle recrée un centre. Le grand ensemble est sans amarres. La ville nouvelle devient le nœud d'un réseau de liaisons.

En région parisienne, les villes nouvelles ne doivent pas relancer une urbanisation périphérique, mais structurer une banlieue préexistante, assurer à ses habitants aussi le droit à la ville.

Certes les villes nouvelles ne sont pas à l'abri des dangers d'un urbanisme trop concerté, trop monumental, trop méticuleux. Mais je crois qu'elles veillent à s'en prémunir. Et elles assument aussi une fonction de recherche de formules neuves qui ne pourrait guère l'être ailleurs avec la même constance et la même rigueur.

Et si les villes nouvelles ont été imaginées pour structurer la limite extérieure de l'agglomération parisienne, cela ne nous a pas empêchés de définir dès 1966 une politique des villes de la couronne du bassin parisien, de Rouen à Reims, et d'Orléans à Amiens. [...] »

Source : Olivier Guichard, Déclaration sur les orientations de la politique urbaine, extraits, Assemblée nationale, 17 mai 1973, Journal Officiel, 1973.

PrécédentPrécédentSuivantSuivant
AccueilAccueilImprimerImprimer Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Droits réservés Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de ModificationRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)