Conclusion : la fin des banlieues rouges
En juin 1981, le PC perd 11 sièges de députés sur l'ensemble de la banlieue ; amorcée en 1983, la rétraction de l'empire municipal communiste s'amplifie en 1989 : 41 municipalités communistes de plus de 30 000 habitants en1977, 27 en 1989, la disparition de l'empire municipal communiste n'a pas été enrayée . La flambée de l'abstentionnisme - 45 % à Aubervilliers, Bobigny et Stains en 1989, jusqu'à 80% des électeurs potentiels dans certaines cités d'habitat social - l'effondrement du communisme réel, enfin la raréfaction et le vieillissement des notables municipaux entraîne un déclin électoral brutal.
Le communisme municipal a longtemps profité de la crise urbaine; celle qui débute à la fin du XX° siècle, avec la dégradation du parc social locatif, la fuite des couches ouvrières et salariées, loin des grands ensembles, le chômage structurel de masse, les violences urbaines, se retourne contre lui et ne lui laisse que des stratégies conservatoires et défensives. Le double phénomène de paupérisation et de gentryfication des communes de banlieue détruit les enracinements sociaux traditionnels et pose de difficiles problèmes stratégiques à un parti qui se proclamait « parti de la classe ouvrière ».
L'effondrement d'un mode de gestion locale qui a duré plus de cinquante ans renvoie à trois facteurs principaux : la disparition du « socialisme réel » et du mouvement communiste international, horizons lointains mais structurants auxquels s'adossait la culture de bastion ; la désindustrialisation et le regroupement de population d'origine étrangère dans les municipalités communistes, où se concentrent les grands ensembles de logements sociaux ; enfin , l'incapacité des élus communistes à partir des années du déclin à adapter leur conception du territoire communal à la nouvelle donne régionale. Leurs conceptions strictement défensives, fondée sur une vision fonctionnaliste des territoires communaux, les conduit à des politiques défensives : refus de la désindustrialisation, refus de la mixité sociale, refus de construire de l'accession à la propriété, refus des procédures de la politique de la ville. Aujourd'hui, les quartiers où les ménages de salariés s'étaient, sous l'égide du communisme municipal, acclimatés à la modernité, sont devenus des ghettos.