Les limites de l'haussmannisation
Le Second Empire pense la ville mais ignore la banlieue, remodèle profondément le centre mais pas la périphérie : les lotissements de Belleville, avant comme après 1860, échappent à tout contrôle. L'arrêt du cycle de construction qui avait soutenu l'haussmannisation vers 1880, avec la fin de la hausse des valeurs immobilières, ouvre sur une longue crise du logement populaire dans l'agglomération parisienne. L'annexion de 1860 fait passer la capitale de 12 à 20 arrondissements, mais l'espace au delà des fortifications est laissé à la spéculation privée, très inégale suivant les banlieues, et à l'implantation progressive de la grande industrie en fonction des opportunités foncières. Au bout de vingt ans de chantier permanent, les Parisiens sont las de vivre dans la boue et les démolitions, craignent l'endettement de la capitale, et Haussmann est renvoyé de la préfecture de la Seine le 5 janvier 1870. Les historiens discutent encore de la relation qui existe entre la rupture des équilibres sociaux engendrée par l'haussmannisation et l'insurrection suivie d'une guerre civile qui ensanglante Paris lors de la Commune (18 mars-28 mai 1871). Cependant, l'œuvre du préfet a fasciné les écrivains du XIX° siècle –Hugo, Baudelaire, Zola –, et il a fait de Paris la capitale du XIX° siècle, suivant l'expression de Walter Benjamin :
« Quant à la fantasmagorie de la civilisation elle-même, elle a trouvé son champion dans Haussmann, et son expression manifeste dans ses transformations de Paris. Cet éclat cependant et cette splendeur dont s'entoure ainsi la société productrice de marchandises, et le sentiment illusoire de sa sécurité ne sont pas à l'abri des menaces ; l'écroulement du Second Empire, et la Commune de Paris le lui remettent en mémoire »
Walter Benjamin (1892-1939), Paris, capitale du XIX° siècle, 1939, texte intégral : http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.bew.par
