1.4 Une banlieue sans urbanité
La banlieue parisienne est alors un magma sous équipé de lotissements pavillonnaires, de bidonvilles, de zones industrielles et de petits immeubles de rapport populaires, construits avant 1914 et mal entretenus. Ni autoroute, ni RER, quelques rares lycées, pas de théâtre, peu d'équipements sportifs. Les bidonvilles qui logent les travailleurs étrangers depuis les années 1920, comme celui de La Petite Espagne en Plaine - Saint –Denis, se développent à partir des années 1950 avec l'afflux des Algériens puis des Portugais ; autour de Paris, une centaine de bidonvilles logent 40 000 personnes au milieu des années 1960.
De ce chaos émergent de rares îlots d'urbanisme, les cités-jardins construites par le socialisme municipal de l'entre-deux-guerres, dont Suresnes, Chatenay-Malabry et Villeurbanne sont les fleurons. L'architecte Paul Chemetov, qui a beaucoup construit en banlieue, rappelle en 2002 à quoi elle ressemblait :
« Alors qu'on dénigre le béton des grands ensembles, on oublie qu'en 1941 l'essentiel de la banlieue avait à peine dix ans. Les ronds-points n'étaient pas encore fleuris : ils n'existaient pas et les rues étaient à peine goudronnées. Les arbres rabougris cachaient mal la marée des bicoques, qui aujourd'hui nous paraissent charmantes parce que surannées. Ce sont elles que Corbu barrait de croix rageuses dans ses démonstrations. Le repoussoir des lotissements Loucheur servira de prétexte à l'émergence d'une politique étatique planifiée »