Conclusion
Conçus dans les années de l'après seconde guerre mondiale, les grands ensembles sont réalisés dans le contexte d'un Etat Providence fort et omniprésent, du maintien d'une haute croissance économique et de l'unité globale du peuplement urbain, même avec des apports migratoires considérables. Le système atteint sa perfection avec la réussite de l'entreprise d'économie mixte qu'est alors le capitalisme français, à l'heure des débuts de la construction européenne et de la Cinquième république. La construction de logements sociaux relève de cette politique publique, où l'Etat délègue ses pouvoirs aux organismes HLM, aux collecteurs des contributions patronales ou à la Caisse des dépôts et consignations. Bien sûr existent aussi des promoteurs immobiliers privés, des grandes et des petites entreprises capitalistes du bâtiment, des ménages qui construisent leur maison individuelle et contribuent aussi à façonner les villes : malgré la puissance de l'Etat, la France n'est pas un pays d'économie socialiste, même si l'idée d'un service public du logement a été explicitement envisagée et que la question du logement, financé plus ou moins directement par l'Etat reste centrale pendant trente ans. Produit de l'Etat dirigiste et centralisé des Trente Glorieuses qui a urbanisé la banlieue, mis fin à la séculaire crise du logement et logé les salariés de la croissance, les grands ensembles sont un concentré d'investissements publics et de savoir faire institutionnel. De lucides diagnostics de crise ont été posés il y a plus de trente ans, mais le temps de la ville n'est pas celui de la décision politique. D'autant qu' à partir des années 1975-1990 l'accroissement des inégalités, la désindustrialisation de la banlieue, l'arrivée de nouveaux flux migratoires, souvent clandestins, vers l'Ile de France, la faillite de l' État providence remettent en cause le rôle des bâtiments construits durant les Trente Glorieuses. L'éclatement et la fragmentation de la métropole francilienne, le passage de la ville à l'urbain, c'est à dire de la ville dense enfermée dans ses boulevards à la métropole segmentée en zones industrielles et commerciales , sprawl pavillonnaire et nouveaux ensembles urbains , ajoutent à la perte des repères.